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Thème 5  L’ALPHABET  (suite et fin) par Chantal T.



Q comme Quai


Écoutez I'aventure d'un touriste

Au teint halé, cheveux couleur jais

Qui, pour une balade parisienne,

Dans son TGV se croyait,

Sur la ligne qui longe le Sacré-Cœur,

É la station Barbès, il est descendu

Sur le quai.

La mine réjouie, il s'est promené

Le long du quai.

Et de son beau costume un peu fripé

Une cigarette, il a sorti,

Sur le quai.

Béatement, s'est mis à siffloter

Un chaud refrain au parfum d’olivette.


Mais quand les portes se sont fermées…

Que le métro a démarré...

Il s'est mis à courir en criant

Sur le quai :

« Mi maleta*! Mi maleta ! »                           * Ma valise (en espagnol).


R comme Rêve


Dans, le bus du matin, on se sourit peu. Des yeux fermés, un walkman accroché aux oreilles, un portable agresseur, de petites conversations. Le machiniste freine, accélère, déboîte, se fraye un chemin sur l’autoroute encombrée. C’est la balade des besogneux qui s’accrochent à leur bus. Dès qu’il point au loin, les besogneux s’agitent à l’arrêt. Pressés de gravir les marches, de s’asseoir et de laisser transporter leurs soucis, leur parapluie, leurs joies, leur tricot, leurs peines, leur casse-croûte, leur livre, leur fatigue, leurs espoirs…


Entre la Porte de Montreuil et celle de Bagnolet, le ciel s'éclaircit et le soleil illumine I'autoroute.

Les voyageurs, un par un, descendent et disparaissent sur la croupe d'un cheval ; certains sautent le terre-plein central de I'autoroute et font demi-tour à bride abattue. Quelques carrosses se dirigent vers le périphérique, sans doute pour l'Elysée. C'e n'est pourtant pas jour de conseil des ministres. Des diligences doublent I'autobus garé dans la voie d'arrêt d'urgence. Quant à moi, je galope, nez au vent, I'air est vif, pur. Les bas côtés de l'autoroute sont en fleurs et des femmes font des bouquets. Tout au long de I'A3, il y a des jardins ouvriers, et dans leur grand tablier bleu, les jardiniers retournent la terre, sèment ou cueillent le lilas en fleurs.

Tout à coup, mon cheval s'arrête et mon rêve en même temps.


La nuit vient de s'achever. Galliéni. Terminus.


T comme Tempête


Qui n'a pas fait sa psychothérapie en racontant sa tempête le matin du 26 décembre 1999. La maison toute tremblante de peur, des bruits de gamelles qui courent dans la rue, le ciel noir qui s'enfuit au pas de charge... L'ennemi avance et, dans sa furie, laisse derrière lui un champ de bataille. Alors, la paix enfin retrouvée, tout le monde sort des tranchées et dresse I'inventaire des dégâts.

Sauf Gigi. Elle habite de I'autre côté de la rue, côté pair. La cheminée de sa maison a dévalé la toiture et est venue s'écraser sur le toit du garage. Trou d'obus dans la toiture ! J'enfile mon manteau sur ma robe de chambre et je sonne chez Gigi.

Bonjour, Gisèle !

Bonzour,  me répond-elle, la brosse à dent coincée dans la bouche par un sourire étonné.

T'as entendu la tempête ?

Ouais, y'a eu un peu d'vent.

T'as vu ton toit ?

Gisèle vit seule dans son grand pavillon dont elle a hérité de ses parents adoptifs.

Tout a commencé pour elle derrière les murs de I'assistance publique, en casquettes à boutons dorés, il y a 60 ans. Plusieurs nourrices ont essuyé ses petites larmes et un jour, la voilà adoptée par un couple, de braves gens plus vraiment très jeunes.

À 18 ans, elle est prise en flagrant délit de flirt et mariée sur le champ. Après lui avoir fait deux enfants, son mari n'est pas mieux inspiré que par la maladie. Elle vient juste d'hériter du pavillon et de recevoir de la banque un joli planning de remboursements. Il fallait bien donner un coup de fraîcheur au pavillon et le mettre à leur goût... Voilà Gisèle, seule avec ses deux enfants et les traites à payer. Gisèle a toujours travaillé.  Elle a fait des kilomètres pour aller bosser à I'autre bout de Paris.  Elle œuvre depuis 15 ans dans une société qui fait du «tous services». Dans l’atelier, elles sont vingt femmes à saisir, manutentionner, emballer…Pour le SMIC, Gisèle part le matin à 7h30 et rentre le soir…

L’ambiance est parfois «chaude» dans l’atelier. Dès 9 heures du matin, l’une est déjà saoule, l’autre ne parle jamais de ses enfants et il y a celle-ci qui ne se gêne pas pour, à longueur de journée, faire des bruits que, dans nos sociétés, on retient…


Quand nous nous promenons, Gisèle me raconte Bondy d’hier. Son beau visage se métamorphose de la plus pure enfance, ses yeux se teintent d’innocence et s’embrument ses lèvres hésitent et ses mains se tendent, comme pour faire pardonner… «quand je suis née à six ans et demi».


Gisèle est très distinguée, toujours coiffée et tirée à quatre épingles. Pourtant, elle porte sur ses épaules, sur son visage, le poids d’une vie éprouvante et solitaire. Parfois, elle console son cœur oppressé dans le pastis, et le matin, elle n’entend pas la tempête.


V comme Vert


Soigne ton vert


Soigne ton vert,

Arrose ton vert,

Récolte ton vert,

Prends soin de ton jardin.

Peins en vert :

Pastel

Liquide ton verre :

Bouteille

Souris en vert :

Prunelle

Et trinque avec les copains.

Enfile ton costume vert,

Embarque ta drague en vers

La RATP t'emmène dans son train.

Alors remplis ton verre

Puisque la fille est belle

Danse, valse et tourne avec elle

Jusqu'au lendemain.

Puis aime-la en vert

Fais d'elle une mère,


Deviens un magicien.

 

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