Page 5 L'ALPHABET 1 (suite1)
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Thème 5  L’ALPHABET  (suite 2) par Chantal T.




L comme Liberté


Madame LIBERTÉ

La liberté traîne aux abords des prisons et nargue les prisonniers.

   Plus frivole, elle soulève ses jupons aux pays où les femmes sont voilées. C’est dans la nuit qu’on entend furtif des tissus qui s’évaporent.

Elle court dans les médinas du Maghreb, se faufile dans les souks, gagne la casbah, poursuit sa course jusqu’en Palestine. Mais ce n’est rien qu’un souffle de vent chaud, qu’un brin de brise qui s’amenuise, un jet de pierre dans le désert.

Plus prudente et craintive, elle rôde autour des peuples opprimés.

Plus généreuse, elle lève les Apartheid. Avec Mandela son amant elle a rompu les chaînes du peuple noir. Et c’est pour elle que l’Afrique du Sud a chanté : LIBERTÉ.

Passive elle contemple les enfants du monde qui travaillent, aux yeux bridés, à la peau sombre, au ventre creux.

Elle se fait prier pour nourrir les espoirs des humbles, des salaires de misère et des sans rêves. Elle devrait plus souvent parler au cœur des hommes au lieu de vagabonder autour de la terre et de se prélasser au soleil.

Depuis si longtemps que les poètes la chantent, que les opprimés la pleurent, elle joue au chat et à la souris. Mais, combien de fusillés, combien de garrottés ! Et combien de défilés ! Combien d’œillets rouges à la boutonnière pour vous Madame LIBERTÉ.


M comme Mots


Les mots butinent l'alphabet. Assises en rang d'oignon, les lettres ont ôté leur pelure et attendent. Comme les mots domptent les lettres, les voici liées les unes aux autres. Si l'une, coquine, s'infiltre, le mot se meurt : mot devient mort.

Les mots aiment faire la fête. Dans la nuit, écoutez-les chanter quand il y a bal.

Les mots racontent des histoires que les conteurs cisèlent de leur voix mélodieuse.

Lus tout haut, les mots impressionnent, parfois même ils font pleurer d'émotion.

Souvent, on les maltraite. On les mange, on les avale. Alors ils agacent I'oreille et I'autre s'enferme pour ne plus rien entendre. Mais on peut aussi les boire comme du p'tit lait.

Celui qui ne les craint pas est bien le solitaire qui les crie à tue tête. Pour montrer qu'il existe, il dit des mots tout haut, s'invente des dialogues et s'enivre de mots, ceux qu'il veut entendre, mots doux, mots crus, mots pour ne pas en finir…


P comme Parité


Une ménagère part faire son marché.  Elle a 100 F en poche place du marché. Elle achète une baguette à 4,20 F, une douzaine d’œufs à 1 F l’œuf, un poulet de 1,5 kg à 45 F le kg, un fromage à 13,50 F. Combien a-t-elle dépensé ?


Un ménager part avec 100F dans sa poche place du marché. Il s’arrête au tabac et achète un paquet de cigarettes à 19 F. Il fait son tiercé pour 50 F, prend un morpion : 10 F, s’offre un petit apéritif au comptoir pour 20 F. Combien lui reste-t-il pour la baguette ?


P comme Petit Prince


Si vous avez déjà voyagé avec le petit prince de Saint-Exupéry, vous vous souvenez de la couleur du blé.

Le petit prince vit sur sa planète avec une rose et trois volcans en activité qu’il doit ramoner. Trop jeune pour savoir aimer sa rose, il fuit sa planète, part à la rencontre des hommes et visite sept autres astéroïdes.

   Sur la première, il rencontre un roi qui ne tolère pas la désobéissance, sur la deuxième, un vaniteux, sur la troisième, un buveur qui le plonge dans la mélancolie, sur la quatrième un businessman, sur la cinquième un allumeur de réverbère, sur la sixième, un géographe, qui lui dit d’aller visiter la terre, elle a bonne réputation. Il atterrit sur la terre en plein désert et ne trouve pas d’homme. Les hommes manquent de racine lui dit une fleur de rien du tout.

   

Imaginons que le petit prince visite une huitième planète sur laquelle vit une femme à la retraite.

Bonjour, lui dit le petit prince, tu es un drôle d'homme. Tu as un regard doux et un sourire affectueux. Qui es-tu ?

Je suis une femme. J'ai quitté la terre après avoir beaucoup travaillé pour nourrir mes enfants, payer le loyer, les impôts, les factures…Ici, je peux me reposer.

Décidément, les femmes sont aussi des «hommes bizarres», pense le petit prince qui ignore ce que veulent dire loyer, impôts, factures.

Quand enfin, dit-elle, j'ai eu le temps de réaliser tous mes rêves, j'étais bien trop lasse, trop usée et trop vieille.

Ému, le petit prince a du mal à dissimuler la pitié qu'il éprouve pour la vieille dame. Et pour calmer son émotion, elle I'accueille dans ses bras. Elle caresse ses cheveux couleur du blé. Il se blottit au creux de sa poitrine. Une légère brise protectrice ondule sur sa tête. Il se laisse bercer et s'endort.

Quand il se réveille, il se dit que les femmes sont des «hommes» plus occupés à donner de la tendresse qu'à faire des calculs sérieux comme le businessman.

Elle avait conduit des autobus. En costume vert, elle sillonnait les rues des grandes villes au volant de ces gros engins. Ce métier lui avait abîmé la tête et le corps. Elle avait donc choisi d’aller s’installer loin des hommes. On avait converti sa retraite en points «repos» qu’elle collectionnait comme les points «Coop» de son enfance. Sur la terre, personne n’avait pris soin d’elle et elle avait toujours été seule. Sur sa planète, elle passait tout son temps à écouter vivre et se découvrait des tas d’idées qu’elle rangeait dans un cahier.

Pendant 40 ans, elle avait été un numéro matricule. Les horaires décalés lui avaient volé son sommeil, les casse-croûte, ulcéré son estomac, la conduite, gondolé le dos, la solitude sur son bus, perturbé la tête. Elle avait dû se débattre dans la ville, aux prises avec les automobilistes enragés conduisant des sacs à pollution. Dans la nuit, la peur lui charroyait le ventre. Oh ! Elle avait bien connu des innovations techniques, «bouquet de services», «Aigle» (prononcez igueule à l’américaine), « Altaïr »… Jolies de nom, bien sûr, mais sans intérêt ou qui compliquait la vie.

Et les voyageurs ! Il y avait ceux qui lui faisaient des sourires et qui, parfois lui racontaient de belles histoires sûrement pour mieux la connaître, ceux qui ne la voyaient pas, ceux qui l’insultaient quand ils avaient trop attendu, et parfois même ceux qui lui crachaient à la figure…

Indigné, le petit prince se fâche contre ces qui ne méritent pas qu’on les apprivoise.

Dans sa jeunesse, elle avait été monitrice dans les colonies de vacances du comité d'entreprise. Des centaines d'enfants réunis dans des châteaux !

-Mais d'où venaient-ils ? demande le petit prince.

-Ils étaient les enfants des collègues qui travaillaient pendant les vacances.

Vacances, sports,  jeux, veillées, etc. autant de mots que le petit prince ne connaît pas, seul sur sa planète avec sa rose et ses trois volcans.

Il se prend à rêver d'un comité d'entreprise qui réunit les petits d'hommes dans un grand château et leur apprend à vivre ensemble ! Alors il se souvient des paroles du serpent «on est seul aussi chez les hommes ! ». Il se dit que ces petits grandissent vraiment comme des champignons et que la vie doit être mal organisée sur la terre pour qu'une vieille dame vienne s'échouer sur une planète vide.

Mais déjà, elle est repartie dans ses idées qu'elle entasse dans son cahier. Et le petit prince profite du coucher de soleil pour doucement s'évaporer dans I'univers.


 

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