Thème 5 L’ALPHABET par Chantal T.
A comme Atelier
Ancien français : astelle, éclats de bois, du latin astula
Éclat de bois, éclat de voix, éclat de rire...
Création, chiffons, peintures, écriture,
Mais aussi, aujourd’hui, au fond des caves,
Dans des quartiers douteux, clandestins sont les ateliers.
Clans mafieux et destin des sans-papiers,
Qui jours après nuits, pour un bol de riz,
Piquent à la machine à longueur de tissus,
Dans ces ateliers cachés au fond des cours,
Dans des quartiers pouilleux.
À la RATP,
Pendant des dizaines d'années,
Aurait-on vu dame en bleu de chauffe
Sous un métro à réparer ?
Bonne foi d'un ouvrier : jamais.
Et cependant, petits pas par petits pas,
Elle est entrée dans l'atelier.
B comme Beautés d'hier et d'aujourd'hui
À l'école, on apportait des feuilles en automne, un bouton d'or, une marguerite au printemps, des fruits, des légumes selon la saison...
Ces jours-là étaient différents des autres. On observait sa récolte ou sa cueillette. On trempait les pinceaux dans la gouache. Peindre une nature morte de carottes, poireaux, navets, pommes de terre devait être un moment de beauté puisque je m'en souviens. Des légumes qui dansaient ailleurs que dans I'assiette en tout petits morceaux, comme c'était beau !
Aujourd'hui, je dois ramasser un moment de beauté. C'est peut-être rien d'autre que profiter du moment présent. S'arrêter, regarder, sentir, puis contempler, humer, s'écouter vivre.
Voilà une expérience intéressante, mais quand vais-je pouvoir y consacrer du temps ? Quand le réveil sonne? Quand le métro entre en station ? En remplissant mon caddy du samedi ?
Cette chasse s'apparente à la chasse au bonheur. Celui-ci est fugace. Il peut être beauté pourvu qu'il soit sublime. Instants si rares dans une vie de banlieusarde, je décide de partir en campagne ; programme : une grande battue pour dimanche.
Et ce matin, au lever du soleil, dans la ville encore ensommeillée, un coq a chanté!
B comme Bogue
Le bogue est breton,
C'est le berceau de la châtaigne.
Le bogue est un cocon
Qui la protège dans sa gaine.
Il ressemble à un hérisson.
Bien plus discret que I'autre bogue,
Celui des temps modernes
Qui annonçait le « big-bog »
Le retour aux cavernes,
La crise informatique.
Pique, pique, enveloppe jolie,
De la nature, toi tu es le fruit.
C comme Cuisinière
Cuisinons la cuisinière
Pour qu'elle avoue la vérité.
Elle a mis I'huile, I'ail et les herbes
S'est endormie et a rêvé.
Debout devant sa cuisinière,
La cuisinière a voyagé.
Mais quand les flammes ont envahi
La cuisinière était partie
Dans un pays où il fait chaud
Et dans les flots, la cuisinière se baignait.
Quand au réveil, elle a fait Oh !
Lla cuisinière s'est mise à rire
Car les pompiers avaient viré
La cuisinière et la marmite,
Les fines herbes et tous les clous
Ceux de girofle et dans les fesses.
La cuisinière était princesse
Car plus jamais ne cuisinerait.
D comme Domaine Public
Le soleil vient par la fenêtre. Mes journées sont à base de prose.
Le monde m'apporte des nouvelles.
Oisive autant que bouleversée, je ne crois plus en rien.
J'ai plié mon drapeau. J'attends des défilés.
J'ai connu 68 et entendu 36, quand des congés payés
Ceux-ci ont enfantés.
Je sais tous les vélos sur les routes de France, partis dans I'allégresse
Pour de courtes vacances.
Quel espoir aujourd’hui anime notre jeunesse ? À la fois si fragile,
Si peu sûr de l’après.
Il faut que je me bouge, que je m’accroche au train, qui si demain déraille,
roule encore en son sein.
Dans le service public, s’il reste à préserver, il faut surtout bâtir
Pour les vertes années.
Les lendemains qui chantent, nous les devons gueuler. Ce n’est peut-être pas trop tard
Le fric peut en crever.
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