Égalité des femmes : l’enjeu du XXIè siècle ?
SÉRÉNADE CHAFIK,
Militante féministe française d’origine égyptienne
Égypte : mettre fin au Code du statut personnel et instaurer un état laïc
« La plupart des associations féministes veulent mettre fin au Code du statut personnel.»
En Égypte, les révolutionnaires ont déjà obtenu la chute de Moubarak, le système quant à lui demeure toujours en place.
Actuellement nous nous retrouvons avec un ancien chef d’État renversé mais séjournant toujours dans les palais présidentiels à Charm-el-Cheikh, un ancien vice-président, Omar Souleimane, siégeant toujours au palais présidentiel au Caire, un actuel premier ministre nommé par le président déchu (*) et une commission de révision de la Constitution nommée par l’armée et travaillant uniquement sur les 6 articles comme l’avait décidé Moubarak !
Entre les vendredis 4 et 11 février, la révolution a été renforcée d’une façon significative par le mouvement ouvrier ; désormais une coalition entre la classe moyenne très instruite et la classe ouvrière donne à ce mouvement une dimension sociale.
Le premier acquis de cette révolution est le sentiment d’appartenance au pays, la réappropriation depuis quelques jours seulement de la citoyenneté ; terme jusqu’alors revendiqué mais jamais encore expérimenté. Une citoyenneté partagée entre musulmans et chrétiens qui côte à côte défient le pouvoir et acclament la chute du système. Une citoyenneté également partagée entre les hommes et les femmes, qui se sont retrouvés ensemble dans une mixité retrouvée avec les mêmes revendications de liberté et d’égalité sociale. Durant des années, l’Occident justifiait sa politique de soutien aux dictateurs arabes par la mence que représentaient les extrémistes religieux et l’islam politique au pouvoir.
Si en Égypte nous vivons l’ère post-islam politique, en Occident et particulièrement en France, nous assistons à un regain d’une pensée néocoloniale, archaïque, méprisante, niant tout universalisme des droits humains, exprimant sa peur de tout changement au Moyen-Orient, mettant en doute la capacité de l’Égypte à instaurer une démocratie, comme nous pouvons le lire dans les articles de certains intellectuels.
Dans le Figaro des 29 et 30 janvier, Alexandre Adler prédit une dictature intégriste au Caire, il présente aussi El baradei, opposant à Moubarak, comme un « pervers polymorphe ». dans Libération du 3 février, c’est au tour d’alain Finkielkraut d’ironiser à propos d’El Baradei, « l’homme de la transition démocratique ou l’idiot utile de l’islamisme3. Quant à Bernard-henry Lévy, il brandit le spectre de l’Iran, en faisant croire que les fondamentalistes constituent un risque avéré.
Certes en Égypte il y a les Frères musulmans, certes il y a des tensions religieuses. Bien sûr que l’Égypte est un pays très croyant, mais cette révolution est celle de la classe moyenne. Des jeunes diplômés appartenant aux 20% de la population ayant accès à Internet et qui utilisent les réseaux sociaux.
Une classe sociale prête à débattre à propos de la laïcité. Or l’article 2 de la Constitution stipule que l’islam ets la source première de la législation. La plupart des associations féministes réclament la révision de cet article afin de mettre fin au Code du statut personnel. Elles demandent la mise ne place d’un État laïc et leur participation à la commission pour la réforme de la Constitution. Les associations de défense des droits humains lancent une pétition dans laquelle elles s’interrogent et s’indignent à propos des critères selon lesquels les membres du comité constitutionnel ont été choisis. Si les critères sont l’efficacité et l’honnêteté, alors pourquoi les femmes expertes juridiques sont-elles exclues ?
(*) Entre temps, Ahmed Chafik, le premier ministre nommé par Hosni Moubarak a démissionné le 3 mars.