Thème 10 LE TEMPS DES FEMMES par Nicole JEANNE-LEFORT
Parler du temps, c'est déjà parler au passé, enfin c’est l’impression que cela me donne.
On pourrait philosopher éternellement sur le temps, celui du moment, du passé et de I'avenir ! Je dis souvent à mes enfants, il y a un temps pour tout ! Celui de jouer, d'étudier, de s’amuser, de dormir etc. Je sais que je cours après et pourtant je voudrais qu'il dure, dure.
Le temps c'est aussi lorsqu'on parle de la météo, quel temps fera-t-il ?
Prendre le temps de ? Aurais-je assez d'une vie pour faire tout ce que je désire faire ? Autant de questions !
Le temps de voir mes enfants grandir, le temps de vivre mes petits-enfants.
J'ai envie de m'amuser encore, de danser encore, de travailler encore, de rester chez moi encore, de faire des enfants, de revivre une grossesse, de refaire bien tout ce que j'ai I'impression d'avoir raté ou mal vécu.
L'éternité, c'est aussi une notion du temps, vivre l'éternité pour participer à tout, demain. Mais je sais déjà que je change, je me lasse plus vite qu'avant, je me fatigue plus vite aussi mais surtout je m'abîme, ma tête pense pouvoir faire plein d'activités et mon corps me rappelle sans cesse à I'ordre !
Le temps d'avant... J'aimerais revenir à l'époque où j'étais dans un nid chaud, aux odeurs familières d'un ragoût qui cuit. Je me souviens de I'odeur du linge en train d'être repassé. J'aimerais revoir le petit appartement de ma jeunesse, avec ses poignées de portes ovales en porcelaine blanche. J'aimerais bien retrouver ces lundis maudits où maman lavait, dans la bassine, le linge bouillant sorti de la lessiveuse. Pauvre maman, penchée sur la planche en bois, qui frottait à la brosse à chiendent toutes les fringues de nous cinq, dans la vapeur. Maudit lundi car il y avait partout cette vapeur moite qui nous empêchait de faire nos devoirs sur la table de la cuisine préalablement poussée contre le mur pour donner plus de place. Je revois mes mains d'écolière, aux ongles rongés, que je laissais traîner dans I'eau de rinçage avec du « bleu » que maman mettait pour blanchir les draps. Hier est déjà dans le passé et pourtant plus je vieillis plus mes souvenirs de jeunesse sont nets. J'ai envie de me blottir dans la chaleur de mon foyer entre mon père et ma mère, mon frère et ma sœur, fermer les yeux et me laisser aller contre eux, ma tête toute neuve de I'avenir à découvrir. Mais, le temps est passé !
NICOLE JEANNE.LEFORT