NOUS VIVONS TOUS COMME SI
Nous vivons tous comme si, mais
Ni le sifflet des locomotives
Ni les sirènes des navires
Ne nous émeuvent plus guère,
Certains, favorisés par le sort
Descendent jusqu’au fond,
Pareils à des mouches à fumier
Et aux taons des basses eaux.
Les événements nous frôlent comme des balles
Égarées, attardées, aveugles et sans vie.
Certains ont tenté de se dresser face à eux
Et trouvé aussitôt le tombeau ou les honneurs.
D'autres n'ont rien aperçu;
Nous nous sommes esquivés
Et le pressentiment nous a exprès
Envoyé contre la droite.
Au milieu des soucis et du tohu-bohu
Nous avons cessé d'être sincères:
Nous courons courber humblement la tête
Ou nouer le lacet autour du cou.
Nous tentons de pénétrer plus loin,
Mais même les esprit lumineux
Expriment tout entre les lignes
Et ne calculent qu'à long terme.
Nous essayons de nous hisser au sommet,
Où nos pensées se sont déjà élevées,
Où elles règnent, toutes légères,
Libres, éternelles, dominatrices.
Et nous voulions tant nous élever
Qu'hier nous avons bu à gogo,
Et, malgré nos pensées amères,
Nous nous sommes gavés de sucreries.
D'une effraction brutale, sans clé,
Sanglotant devant les horreurs,
Nous ouvrirons les celliers de ta peste,
Même au risque de notre tête,
Et sobrement, tranquillement
Nous sabrons le passé à la volée,
Mais nous frappons d'une main molle,
Froide, tremblante, moribonde.
Quel plaisir de rejeter son fardeau,
De tout remettre au jugement de Dieu,
De libérer sa main en tremblant,
Et de la montrer sans couteau,
Sans craindre que la mitraille
Ne foudroie aussi la foule désarmée.
Mais la rouille et la psychologie
De la couleuvre rongent notre fermeté.
Les événements nous frôlent comme des balles
Egarées, attardées, aveugles et sans vie.
Certains ont tenté de se dresser face à eux
Et trouvé aussitôt le tombeau ou les honneurs.
D'autres n'ont rien aperçu;
Nous nous sommes esquivés
Et le pressentiment nous a exprès
Envoyé contre la droite.