RUE DE RIVOLI
Rue de Rivoli
devant le Bazar de l’Hôtel de ville
un abominable sergent de ville
pousse une voiture d’enfant
avec un gros chien mort dedans
Et derrière eux
courent des rats des villes et des rats des champs
Ils s’en vont tous vers la Bastille
le flic sanglotant
les rats longeant les murs
et le chien volant
Vacances voyages divertissements
Banale tragédie d’un jour entre les jours
fait divers
petit évènement
Modeste héros d’une aventure caniculaire
le flic a une tête de pauvre pomme de terre
arrachée trop tôt à cette terre
Il a des pieds d’une tristesse infinie
La misère convenable
s’est assise sur sa face
en relevant ses jupes
et sans payer sa place
Il a un énorme furoncle sur son énorme cou
la mort dans l’âme
et un rapport au cul
Le brigadier a couché avec sa femme
alors il a vengé son honneur à coups de pied
dans le ventre d’un clochard arrêté
comme c’est l’usage
sur la voie publique
Et le clochard est tombé borgne
Et lui le malheureux à qui pourtant on avait porté
préjudice a été blâmé
Il en a perdu son képi
et risque d’attraper une insolation
Sa tension est forte
Un gros caillot de sang monte et redescend comme un
ludion
Il a aussi cassé ses trois meubles
il a frappé sa femme
et éventré son chien
Et maintenant il s’en va
comme le Juif errant
Pourtant il est antisémite
il ne s’en est jamais caché
Où s’en va-t-il
Dieu seul le sait
Lui qui a créé toutes choses
et en particulier
les grandes Écoles de guerre
d’où l’on sort Officier de paix.