Thème 1 L’ATELIER D’ECRITURE par Laurence POISSY
Atelier - Il s'y fabrique des merveilles. Comme pour un cocon, duquel sortira la créature finie, il y faut la bonne lumière et la bonne température.
Ce mot est magique pour moi, faisant très tôt partie de mon vocabulaire.
Mon père est tailleur et j'ai toujours pris beaucoup de plaisir à lui rendre visite dans son atelier, toucher les tissus tous différents ranger les bobines de fil de toutes les couleurs trier les boutons et ramasser les épingles scintillantes tombées des tables dans la poussière.
C'était aussi une odeur mêlée, d'étoffe chaude, de parfums et de transpiration c'est un dur métier.
S'y ajoutait le midi les relents de gamelles qu'on avalait dans le fond de I'atelier, derrière un rideau fait maison apportant un peu d'intimité. Le presseur seul homme à part mon père, mangeait à sa table de repassage prenant bien soin de ne rien tâcher.
L’ambiance sonore était faite du son des voix de ces femmes, penchées sur leur ouvrage, du bruit incessant des machines à coudre, du souffle de la presse et des radios, pas toujours réglées sur la même onde.
Avec les chutes des doublures brillantes j'étais princesse ou fée, mes poupées avaient des vêtements uniques puisque cousus par moi. Et j'évoluais au milieu des grandes tables de coupe et de tous les vêtements à différents stades de la fabrication. Le mot mannequin, représentait pour moi, non pas ces échalas osseux appelés aujourd'hui Top models, mais des formes voluptueuses et pleines, de différentes tailles, comme de vraies femmes mais sans tête et sans jambes. Le pied de bois, puis de métal, était travaillé comme un pied de guéridon précieux. Les vêtements enfilés dessus devenaient parures, costumes pour un théâtre imaginaire. Et déjà dans ma tête retentissait la musique d'un défilé, sur un podium fictif.
De cet atelier-là m'est resté le plaisir de fabriquer et aussi celui de créer des ambiances d'odeurs, de lumières, de couleurs et de chaleur.
Ecriture – L’écriture est d’abord un motif, libre du sens que I'on veut lui donner, une pure arabesque d'encre. Je me souviens des plumes sergent major, que I'on suçait du bout de la langue avant de les étrenner, et de l'odeur âcre de I'encre dans les petits encriers des pupitres. La calligraphie met en valeur cet aspect de l'écriture. Puis vient le sens. Il est le complice du fil de nos idées et permet de coucher sur le papier les choses que I'on ressent, pense, croit ou décide. L’écriture fixe alors ce sens, le détermine et le pérennise. Tout le soin que I'on apporte au choix des mots en est témoin. La combinaison que l'on choisit pour les ordonner le confirme. La musique que l'on entend quand on les lit nous fait recommencer à chaque fois, du côté de la lecture, pour beaucoup et du côté de l'écriture pour certains.
LAURENCE POISSY