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Thème 10  LE TEMPS DES FEMMES   par Chantal T.






J'ai vidé mes valises dans le panier à linge. J’ai pensé, assise au bas de I'escalier que le temps des vacances fait partie du passé. Comme un arbre effeuillé, les jours sont tombés au rythme du recommencement. Alors, vivement demain et que j'en prennes soin ! Pourtant, demain, je reprends le chemin du travail, de ses cinq jours «ouvrables», avec ses termes alambiqués d'une maison à pied d’œuvre 24 heures sur 24 : repos décalé, tableau de marche (TM), service en mixte, en deux fois, le jour/nuit, etc... Toute une horloge de mots dont le système régi par la Régie à la seconde près qui fait que le bus de 7h51 passe 16 minutes après le bus de 7h35. Dit-on toujours aux jeunes qu'ils devront faire une croix sur leur vie de famille ? Car I'ordre des verbes est ainsi ordonné on vit pour travailler à la RATP. Dans mon travail, le temps est une question de délais. C'est ce mot de six lettres en haut d’un document : urgent. C'est un planning annuel où les réunions dessinent une mosaïque sur le calendrier, mois par mois, dans la logique des obligations que la direction doit aux institutions qui représentent le personnel et des obligations que ces mêmes institutions doivent aux agents de la RATP.

            Je finis mes vacances au bas de I'escalier ; je m'arrête un moment : voilà trente ans que je travaille ! J’ai des souvenirs qui remontent à 30 ans ! Prise de conscience du vieillissement. Il apparaît sournoisement au coin de chaque jour éteint. Désormais, pour ne rien oublier, je fais une liste de courses à chaque fin de semaine. Le samedi, me voilà grossiste des tâches ménagères, car je n'ai plus le temps pour faire dans le détail. Je dois parer chaque minute de jolies choses et faire des choix pour mieux penser à ce qui fait plaisir.

Et puis, tout à coup, je revois la pendule face au lit où ma petite sœur se meurt. Je revois I'infirmière entrer dans la chambre en courant, les yeux sur la pendule. Elle est énorme, la pendule, face au lit. Elle m’a narguée et ce fut la haine entre nous dès le premier jour d’hôpital car je savais qu'elle comptait les jours, les heures, la minute, la seconde.

Au bas de I'escalier, je réalise à nouveau comme tout a basculé ce samedi de février d'une année achevée où le temps s'est arrêté, où le temps est passé de I'autre côté. J'ai hurlé en vain pour que la vie s'accroche au temps et reparte avec l'horloge imperturbable en face du lit mais qui ne sert à rien d'autre qu'à rédiger les actes de décès. J'ai encore envie de hurler au bas de I'escalier parce qu'elle était belle, jeune, le temps n'avait pas eu le temps d'accomplir ses méfaits.


CHANTAL T.



  

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