Page MENU GENERAL
Page Louise MICHEL

Louise MICHEL

L'ALBUM DE JEUNESSE

                                 Sur l'Évangile saint...

Sur l'Évangile saint, en sa nuit solitaire,

Le poète songeait ; des ombres sur son front

Passaient et repassaient ; une étrange lumière

Brillait dans son regard profond.

Et les ombres, prenant l'accent des voix humaines,

            Groupaient leurs hordes incertaines

            Autour de son obscur foyer ;

Leurs robes de vapeur, passant dans les ténèbres,

Ainsi que les linceuls avaient des plis funèbres ;

            Leurs voix avaient l'air de prier.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et le poète alors, devant le siècle impie,

Tomba sur ses genoux ; mais sa voix se perdait

Au milieu de vains bruits, et nul dans sa patrie

            En passant ne se détournait.

Alors le Christ fit faire un solennel silence,

            Que troublait seul le bruit immense

            Des voix qui demandaient du pain.

Alors, riches, puissants, prêtres et grands du monde

Apportèrent des dons comme une mer qui gronde,

            Depuis le Gange jusqu'au Rhin,

Et leurs dons, transformés en ateliers sans nombre,

Bureaux de bienfaisance et chantiers tout ouverts

A ceux qu'hier encore on entendait dans l'ombre

            Jeter leurs plaintes dans les airs,

Amenèrent la paix, la paix qui, chaste et belle,

          Revint-nous prendre sous son aile ;

            Et le crime aux ongles de fer,

De contrée en contrée errant et sans asile,

Et retrouvant partout la paix de l'Évangile,

            Vint s'ensevelir dans l'enfer.

                                                                                                             

                                                                                     Audeloncourt, 29 octobre 18 5 3

  

 ACCUEIL