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Louise MICHEL

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LA LÉGENDE RÉPUBLICAINE

                                            Serment


                          Les Noirs devant le gibet de John Brown





Frères, il est donc vrai, la guerre est déclarée.

Venez… Qui d’entre nous, pour la cause sacrée,

           Ne donnerait cent fois son sang

Quand l’arène est grondante on brûle d’y descendre,

Les restes des martyrs sont plus froment que cendre,

              Qui d’entre vous ne prendrait rang ?


Venez, frères, venez ; la torture est délices,

Le gibet même est beau ; la flamme des supplices

           Est l’immense foyer d’amour,

L’éclair du glaive reste en sillon de lumière,

Et quand le juste meurt, sa parole dernière,

              Dans l’air, retentit nuit et jour.


Venez, vous les grands cœurs, vous les âmes ardentes

Il faut des braves géants pour ces luttes géantes,

           Des fronts que rien ne fait pâlir.

Il faut, quand le chemin est sillonnés d’abimes,

Les traversez au vol ; venez, esprits sublimes,

              Venez, vous qui savez mourir.


Venez et jurons tous, jurons-le par nos pères,

Jurons par nos martyrs, nos frères et nos mères,

           De combattre jusqu’au dernier !

 Ah ! si nous mourons tous, sacrifice suprême,

Sur l’immense tombeau viendra le peuple même.

              Maudit celui qui sait plier !


Frères, jurons donc tous ! L’horreur nous environne ;

Du vieux parti, bercé par le vent monotone,

           Tombe le dernier fort.

Mais à tous les déserts, les solitudes mornes,

L’inconnu, l’infini dont nul ne sait les bornes,

           Les secrets que garde la mort.


Jurons aussi par toi, qui dans les catacombes,

Ô mage, dans les cieux, dans les flots, dans les tombes,

           Entends sonner l’éternité !


Et le peuple, prenant la nuit, au gibet sombre,

Le linceul de l’esclave et l’agitant dans l’ombre,

           En fait surgir la Liberté.



                                                                                                   Paris, 2 mai 1861