Marie Ferré
Mes amis, puisqu’il faut nous dire qu’elle est morte ;
Qu’au seuil de nos prisons, nous ne la verrons plus ;
Puisque du froid néant nul ne rouvre la porte,
Que vers les trépassés, nos cris sont superflus ;
Parlons d’elle, un instant ; que son nom nous reporte
Vers ceux que nous avons perdus.
Modeste, elle savait être héroïque et fière,
Souvent, nous admirions ce contraste charmant !
Maintenant, c’en est fait, dans le noir cimetière
Pour jamais elle dort, emportant en mourant
Notre dernier sourire ; et mon cœur sous sa pierre
Se sent enseveli vivant.
Entre le ciel désert et la terre marâtre,
Quand, parfois, nous avons des trésors aussi beaux,
C’est afin que la mort vienne nous les abattre,
Afin que tout soit deuil sous les rouges drapeaux.
Tous ceux que nous aimons, comme un sarment dans l’âtre,
Tout vifs sont pris par les tombeaux !
Ô révolution ! mère qui nous dévore
Et que nous adorons, suprême égalité !
Prends nos destins brisés pour en faire une aurore.
Que sur nos morts chéris, plane la liberté !
Quand mai sinistre sonne, éveille-nous encore
À ta magnifique clarté !