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Louise MICHEL

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GERMINAL, LA LÉGENDE FUTURE

                                Les sphinx





Les plaines de Memphis étaient couvertes d’ombre

Et les roseaux du Nil frissonnaient dans la nuit

Le silence emplissait la solitude sombre

Le fleuve reposait dans son immense lit


Les villes de ce temps étaient de fortes villes

Sous leurs porches géants le regard s’effarait

Les monstres dominant les murs inaccessibles

Aux nuages du ciel mêlaient leurs noirs sommets


Dans l’ombre avec lenteur s’avançaient vers la plaine

Quatre sphynx effrayants aux croupes de granit

C’était étrange et beau ces monstres sans haleine

S’éveillant au mystère et sortant de la nuit


L’un venait d’Orient et l’on eût dit un homme

Le second d’occident et c’était un taureau

Le troisième venait du midi noir fantôme

À face de lion l’autre était un oiseau


Ils allaient à travers les vastes sables mornes

À travers les grands murs ainsi que des vapeurs

Ils allaient dépassant ce que l’on croit les bornes

On eût dit à les voir quatre monts voyageurs


Le premier dont la face était peut-être humaine

Interrogeait au loin les ombres de la plaine

                    Les profondeurs des nuits

De son regard de pierre il sondait les abîmes

Il passait sur les sables il passait sur les cimes

                    Sur les flots endormis


Le second ressemblait à l’Apis symbolique

Regardant devant lui le signe fatidique

                    Ne voyant rien ailleurs

Sans ralentir sa marche et sans courber la tête

Il s’avançait toujours force que rien n’arrête

                    Ni gouffre ni hauteurs


Le troisième effrayant en sa forme spectrale

Avançait rugissant dans un terrible râle

                    Et rien ne l’arrêtait

On sentait qu’à lui seul il défiait le monde

La mort planait sur lui et dans la nuit profonde

                    Ce lion avançait


Le dernier l’aigle avait de gigantesques ailes

Le silence éternel emplissait ses prunelles

                    Sous lui tout s’apaisait

Il descendait pourtant sa géante envergure

N’avait pas remué toute voix tout murmure

                    Devant lui se taisait


Les sphinx en se touchant soudain se confondirent

En un seul corps géant les monstres réunirent

                    Le granit de leur chair

La nuit se fit plus noire et Memphis fut plus sombre

                    Un souffle remplit l’air


De colosse formé des quatre sphinx de pierre

La voix disait savoir vouloir oser se taire

                    Et le sphinx s’envolait

Il avait du taureau la croupe un front de femme

Et des pieds de lion effrayant amalgame

                    Que l’aigle enveloppait


Les tourments dans l’air passèrent formidables

Fouettant la nuée et les flots et les sables

                    De leurs souffles géants

Et les mots qui sortaient des boucles de l’abîme

Par d’effrayants échos redits de cime en cime

                    Mugirent dans les vents