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Louise MICHEL

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GERMINAL, LA LÉGENDE FUTURE

                                        Les cycles




                                                   I


Par cycles éternels est la course des sphères,

Par cycles dans l’histoire ont progressé nos pères,

Ainsi reviennent les saisons.

Nous sommes à la fin de notre cycle horrible

Et comme au vent le sable et le blé dans un crible

Tombent hommes et nations.


Par cycles est tombé l’amas des jours sans nombre

Qui passent sans compter sur l’humanité sombre

Jetée aux transformations.

Dans ce passé qui dort ainsi qu’en une crypte

Dans l’Inde d’autrefois et dans la vieille Égypte

Les cycles eurent leurs saisons.


Nous sommes à l’hiver, par grandes envolées

Dans la brume et le vent s’effacent, dévoilées,

Les erreurs couvertes de sang

À la fin de l’hiver à ce janvier étrange

Où Germinal déjà faisait frissonner la fange

Sous un mystérieux courant.


                                                  II


Janvier au printemps se rattache

La neige est plus haute, et le vent

Coupe comme un tranchant de hache.

Mais déjà remplissant sa tâche,

La sève bout comme du sang.


Secouant le givre des branches,

Les grands chênes, les hauts sapins

Superbes sous les avalanches

Semblent dans leurs tuniques blanches

Des mages disant les destins.


Déjà grandissent sous la terre

De leurs manteaux gonflant les plis

Les jonquilles dans la clairière ;

Voici venir la primevère

Pâle et froide comme les lys.


Dans les haleines hivernales

Février mêle quelquefois

Ses vagissements à des râles.

Les aubes sont plus matinales

Et moins brumeuses à la fois.


Mars aux despotes redoutable,

Avril chantant ses lais d’amour

Suivent le cycle irrévocable

Et sous leur voile impénétrable

Ressemblent à l’aube du jour.


Voici les mois des hécatombes

Le doux mai tout chargé de fleurs,

Mai qui fait refleurir les tombes

Et remplit de vols de colombes

Le rude sentier des douleurs.


Juin qui sert la faulx dans les herbes

Séchant au chaud soleil d’été,

Juillet où l’on coupe les gerbes,

Le brûlant août aux jours superbes

Au ciel pur d’astres étoilé.


Septembre est le fruit couronné.

Octobre où l’écho dure encore

De l’évohé retentissant,

Novembre où dans la fauve aurore

Les feuilles qu’un reflet colore

S’en vont dans les valses du vent.


Muet, dormant, sous les rafales,

Décembre est le mois de la mort.

Comme des nuits les jours sont pâles

Dans l’air des brumes sépulcrales

Flottent, la bise souffle fort.


                                                 III


Depuis que tombèrent brûlantes

De l’orbe de feu des soleils

D’autres sphères, gouttes ardentes,

On vit des îles flamboyantes

Flotter en archipels vermeils.


Quels yeux alors virent ces choses ?

Au fond de quelle obscurité

Ces ères sont-elles écloses ?

Élaborant monstres et roses

Ainsi fut toute éternité.


L’éternité, le temps sans nombre,

Et sans rivage l’infini ;

Où tout être s’abîme et sombre,

Où tout jour retourne à la nuit.


Les choses, les êtres, les sphères

S’en vont aux éternels creusets ;

Et ce qu’on prit pour des chimères

Marque les jalons du progrès.


Ainsi notre cycle s’achève,

Sur lui-même se refermant ;

Et comme tout au fond du rêve

L’aube d’un jour éblouissant.


Alors graviteront les êtres

Comme les astres dans les cieux ;

Et nous comme les grands ancêtres,

Nous apparaîtrons monstrueux.


Et toujours dans la paix immense

On ira vers la vérité,

Étapes pleines d’espérance

Évoluant en liberté.