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Louise MICHEL

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LA LÉGENDE RÉPUBLICAINE

                                              Le peuple





                        À ceux qui criaient « Aux Prussiens » sur Eudes et sur Brideau

                        prisonniers, Montmartre, août 1870.


Puisque le peuple veut que l'aigle impériale

             Plane sur son abjection

Puisqu'il dort écrasé sous la froide rafale

             De léternelle oppression


Puisqu'ils veulent toujours

             Tendre leur poitrine au couteau

Forçons ô mes amis l'horrible coupe-gorge

             Nous délivrerons le troupeau


Un seul est légion quand il donne sa vie

             Quand à tout il a dit adieu

Seul à seul nous irons l'audace terrifie

             Nous avons le fer et le feu


Assez de lâchetés assez souffrir des traîtres

             Foule vile bois mange et dors

Puisque tu veux attendre attends crois-en les maîtres

             N'as-tu pas donc assez de morts


Le sang de tes enfants fait la terre vermeille

Dors dans le charnier aux murs sourds

Dors voici s'amasser abeille sur abeille

Les sombres essaims des faubourgs


Montmartre Belleville ô légions ardentes

             Venez c'est l'heure d'en finir

Venez la honte est lourde et les chaînes pesantes

             Venez il est beau de mourir


C'est à tous les tyrans qu'il faut faire la guerre

             Pour que vienne la liberté

Montez montez faubourgs sans pitié sans colère

             Montez vive l'égalité


Que nous fait après tout une horde d'esclaves

             Qui ne veut pas de liberté

Une infinie poignée amoureuse d'entraves

             Devant toute l'humanité


Amis qu'importe tout vive la République

             Debout sous nos rouges drapeaux

Triomphons ou mourons phalange héroïque

             À l'aurore des temps nouveaux



Nous disions : en avant ! vive la République !

Tout Paris répondra, tout Paris soulevé,

Se souvenant enfin, Paris fier, héroïque,

Dans son sang généreux de l'Empire lavé.

Voilà ce qu'on croyait ; la ville fut muette.

Je vois encor ce jour dans la brume au lointain.

Chaque volet se ferme et la rue est déserte.

Sur nos braves amis, on criait : Au Prussien !

                                                                                           15 août 1870