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Louise MICHEL

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LE LIVRE DU BAGNE

                           Le cimetière des déportés





                                                                                   Presqu’île Ducos

        -- Mère, quand donc viendra le père ?

        -- Jamais, il dort au fond des flots

        Sur une plage solitaire

        Où rien d’ici-bas n’a d’échos ;

        Là, près de lui, dans la grande ombre

        Ses amis reposent en nombre.

Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,

De ses gémissements couvre les froids proscrits !


        Combien tout remplis d’espérance,

        Vaillants, et rêvant l’avenir,

        En mirage voyant la France,

        Se sont couchés là pour mourir ?

        Fleurs et fruits mûrs, vieux jeunes filles,

        Tout tombe au tranchant des faucilles !

Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,

De ses gémissements couvre les froids proscrits !


        Les uns, cœurs que la lutte enivre,

        Rapides, allaient en avant ;

        La vie, avec l’écho de cuivre,

        Leur sonnait la charge en passant !

         Les autres, sans amour ni haine,

        Ont jeté la coupe encore pleine.

Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,

De ses gémissements couvre les froids proscrits !


        Leurs noms sont par des mains fidèles

        Sur la pierre ou le bois inscrits ;

        Et les cyclones de leurs ailes

        Mènent les immenses bruits,

        Répétant de la terre aux nues

        Leur plainte aux rives inconnues.

Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,

De ses gémissements couvre les froids proscrits !