Le cimetière des déportés
Presqu’île Ducos
-- Mère, quand donc viendra le père ?
-- Jamais, il dort au fond des flots
Sur une plage solitaire
Où rien d’ici-bas n’a d’échos ;
Là, près de lui, dans la grande ombre
Ses amis reposent en nombre.
Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,
De ses gémissements couvre les froids proscrits !
Combien tout remplis d’espérance,
Vaillants, et rêvant l’avenir,
En mirage voyant la France,
Se sont couchés là pour mourir ?
Fleurs et fruits mûrs, vieux jeunes filles,
Tout tombe au tranchant des faucilles !
Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,
De ses gémissements couvre les froids proscrits !
Les uns, cœurs que la lutte enivre,
Rapides, allaient en avant ;
La vie, avec l’écho de cuivre,
Leur sonnait la charge en passant !
Les autres, sans amour ni haine,
Ont jeté la coupe encore pleine.
Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,
De ses gémissements couvre les froids proscrits !
Leurs noms sont par des mains fidèles
Sur la pierre ou le bois inscrits ;
Et les cyclones de leurs ailes
Mènent les immenses bruits,
Répétant de la terre aux nues
Leur plainte aux rives inconnues.
Que l’âpre vent des mers, pleurant toutes les nuits,
De ses gémissements couvre les froids proscrits !