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Louise MICHEL

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LE LIVRE DU BAGNE

                Le chant des captifs




Ici l’hiver n’a pas de prise,

Ici les bois sont toujours verts ;

De l’océan, la fraîche brise

Souffle sur les mornes déserts

Et si profond est le silence

Que l’insecte qui se balance

Trouble seul le calme des airs.


Le soir, sur ces lointaines plages,

S’élève parfois un doux chant :

Ce sont de pauvres coquillages

Qui le murmurent en s’ouvrant.

Dans la forêt, les lauriers roses,

Les fleurs nouvellement écloses,

Frissonnent d’amour sous le vent.


Voyez, des vagues aux étoiles,

Poindre ces errantes blancheurs !

Des flottes sont à pleines voiles

Dans les immenses profondeurs.

Dans la nuit qu’éclairent les mondes,

Voyez sortir du sein des ondes

Ces phosphorescentes lueurs !


Viens en sauveur, léger navire,

Hisser le captif à ton bord !

Ici, dans les fers, il expire ;

Le bagne est pire que la mort.

En nos cœurs survit l’espérance,

Et si nous revoyons la France

Ce sera pour combattre encor !


Voici la lutte universelle :

Dans l’air plane la Liberté !

À la bataille nous appelle

La clameur du déshérité !...

…L’aurore a chassé l’ombre épaisse,

Et le monde nouveau se dresse

À l’horizon ensanglanté !