Le chant des captifs
Ici l’hiver n’a pas de prise,
Ici les bois sont toujours verts ;
De l’océan, la fraîche brise
Souffle sur les mornes déserts
Et si profond est le silence
Que l’insecte qui se balance
Trouble seul le calme des airs.
Le soir, sur ces lointaines plages,
S’élève parfois un doux chant :
Ce sont de pauvres coquillages
Qui le murmurent en s’ouvrant.
Dans la forêt, les lauriers roses,
Les fleurs nouvellement écloses,
Frissonnent d’amour sous le vent.
Voyez, des vagues aux étoiles,
Poindre ces errantes blancheurs !
Des flottes sont à pleines voiles
Dans les immenses profondeurs.
Dans la nuit qu’éclairent les mondes,
Voyez sortir du sein des ondes
Ces phosphorescentes lueurs !
Viens en sauveur, léger navire,
Hisser le captif à ton bord !
Ici, dans les fers, il expire ;
Le bagne est pire que la mort.
En nos cœurs survit l’espérance,
Et si nous revoyons la France
Ce sera pour combattre encor !
Voici la lutte universelle :
Dans l’air plane la Liberté !
À la bataille nous appelle
La clameur du déshérité !...
…L’aurore a chassé l’ombre épaisse,
Et le monde nouveau se dresse
À l’horizon ensanglanté !