Le chancelier de fer
Ceux qui viendront dans vingt années
Ou peut-être demain
Diront de ces choses passées,
Aujourd’hui, comme au temps lointain,
Ce qu’il nous paraît des légendes,
Des gnomes courant par les landes
De Jupiter Capitolin.
On écoutera dans le doute.
Ceux qui diront, j’ai vu passer
Comme un fantôme qu’on redoute,
J’ai vu le chancelier de fer.
Ce spectre tient en Allemagne
Une place de Charlemagne,
Dans l’Empire prêt à crouler.
C’est un géant aux mains puissantes,
Tenant les ficelles des rois ;
Un ivrogne aux lèvres bavantes,
Terrible et grotesque à la fois.
C’est formidable et toujours ivre,
Un spectre qui s’obstine à vivre
Après l’époque des pavois.
Au milieu des rois en démence,
Pour égorger les nations,
Il est debout, menant la danse
Que rythme le son des canons,
Mais les temps sont finis des guerres,
Des dieux, des rois et des misères,
Le pouvoir se jette aux chiffons.
Voici sur l’Europe nouvelle
La rouge aurore se lever,
Elle s’éveille, frappant son aile
Les peuples de leur sombre enfer.
Dans la géante République
Qui commence un temps héroïque,
N’est plus le chancelier de fer.