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Louise MICHEL

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GERMINAL, LA LÉGENDE FUTURE

                       La clameur






De toutes les rumeurs éparses

Elle se fera, la clameur !

Elles sont les sombres comparses

De l’immense et terrible chœur.

Elles montent jusques aux nues,

Traînant des plaintes inconnues

Qui s’étouffent sous le ciel lourd

Ou vont se perdant sur la terre,

Sur la terre inhospitalière,

Sourde comme le ciel est sourd.


Rumeurs d’océans et de foules

Déferlant en profonds remous,

S’en allant par immenses houles

Dans l’ouragan qui les dissout.

Rumeurs de révoltes, de haines,

De proscrits secouant leurs chaînes ;

Cris d’épouvante, de fureur.

Et dans l’horreur universelle,

Parfois, passant comme un coup d’aile,

Un grand souffle rénovateur.


Troupeaux saignants, hordes humaines

Gémissent éternellement,

Et toutes leurs plaintes sont vaines

Autant que les plaintes du vent.

Les Madagascar, les Fourmies

Tombent sur la foule endormie.

Depuis toujours il est ainsi,

Tandis que, pareille au vampire,

Quelque promesse vient bruire

Sur le désespoir infini.


Clameur de peuples qu’on égorge

Partout surgit et va montant

Dans l’ombre, comme un bruit de forge,

Sans cesse va retentissant.

Ce sont les forces éternelles

Préparant les aubes nouvelles

Du séculaire renouveau ;

Malgré la haine et la tourmente,

C’est là que brûle, flamme ardente,

L’idéal, éternel flambeau.


Aujourd’hui, fait rage l’orgie

Du pouvoir et du capital,

Sur la terre, de sang rougie,

Ils mènent le galop final.

Sur les morts et sur les ruines,

Les bourgeois chantent leurs matines,

Pareils au corbeau sépulcral ;

Mais déjà passent leurs têtes

Les clameurs soufflant en tempête,

Et la mort porte le fanal.


Croissez, puissances inconnues,

Montez menaçantes clameurs,

Frappez vos ailes dans les nues,

Le coq rouge chante aux dormeurs

L’erreur qui façonne les hommes

En tous les monstres que nous sommes :

Lâches, esclaves, durs tyrans

Fuit devant l’ardente lumière

Du vrai qui changera la terre

Pour des hommes libres et grands.