La chanson du chanvre
Le printemps rit dans les branches vertes ;
Au fond des bois gazouillent les nids ;
Tout rit, chantant les ailes ouvertes,
Tous les oiseaux couvent leurs petits.
Le peuple, lui, n’a ni sou ni mailles,
Pas un abri, pas un liard vaillant ;
Le froid, la faim, rongent ses entrailles ;
Sème ton chanvre, paysan !
Il ferait bon si Jacques Misère
Pouvait aimer. Oh ! s’en aller deux !
Mais si loin de nous amour et lumière,
Ils ne sont pas pour les malheureux.
Ne laissons de veuve aux supplices,
Ni ne laissons de fils aux tyrans,
Nous ne voulons point être complices
Sème ton chanvre, paysan !
Forge, bâtis chaînes, forteresses !
Donne bien tout comme les troupeaux ;
Sueur et sang, travail et tristesses,
L’usine monte au rang des châteaux.
Jacques, vois-tu la nuit, sous les porches,
Comme en un songe au vol flamboyant,
Rouges, errer les lueurs des torches ?
Sème ton chanvre, paysan !