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Louise MICHEL

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LES ANNÉES TERRIBLES

                             Centrale d’Auberive





Pour qu’ils ne parlent plus entassez bien les morts !

                 Sans nuls remords.

Le grand jour vient, montrant villes et ports.


         Le trente et un octobre sonne,

         Garde à vous, vainqueurs tout-puissants,

         Pareils à la faux qui moissonne

         Vous laissez des sillons sanglants ;

         Vos mains en sont toutes couvertes,

         Vos serments et vos trahisons

         Sont comme une marque à vos fronts,

         Vous êtes nos hontes et nos pertes.


         Vous répondiez par la mitraille

         Quand on rappelait vos serments

         Et maintenant votre voix raille,

         Mais nous savons rire aux tourments.

         Car à grands pas vient la lumière.

         Ah ! plutôt qu’où vous dominez

         Ils sont nos frères bien-aimés

         Mille fois mieux au cimetière.

         Quand les Marseillaises ardentes

         De nouveau passeront dans l’air,

         Leurs noms mêlés dans les tourmentes

         Auront le sort dont on est fier.

         Et pour la suprême vengeance

         Il faudra bien que nous mettions

         Au pilori des nations

         Les noms des vendeurs de la France.

         Alors comme on fait aux reptiles :

         La grande Justice en passant

         Écrasera vos hordes viles,

         Pâles, sous son pied triomphant.

         Après votre heure, c’est la nôtre !

         Non, vous n’aurez pas pour mourir

         Le champ sacré par le martyr,

         Leur sang est trop pur pour le vôtre.

         Les braves de la République

         Sont morts au pied de ses poteaux !

         Là pour un cœur patriotique

         Vous étiez dix mille bourreaux,

         Arrière, les traîtres infâmes,

         Ce n’est pas là que vous mourrez !

         Mais de loin vous les reverrez

         Dans l’épouvante de nos âmes.

Tuez, tuez toujours, tuez par millions !

                 Nous reviendrons,

Morts ou vivants, par sombres légions.


                                                                                28 octobre 1872