Centrale d’Auberive
Pour qu’ils ne parlent plus entassez bien les morts !
Sans nuls remords.
Le grand jour vient, montrant villes et ports.
Le trente et un octobre sonne,
Garde à vous, vainqueurs tout-puissants,
Pareils à la faux qui moissonne
Vous laissez des sillons sanglants ;
Vos mains en sont toutes couvertes,
Vos serments et vos trahisons
Sont comme une marque à vos fronts,
Vous êtes nos hontes et nos pertes.
Vous répondiez par la mitraille
Quand on rappelait vos serments
Et maintenant votre voix raille,
Mais nous savons rire aux tourments.
Car à grands pas vient la lumière.
Ah ! plutôt qu’où vous dominez
Ils sont nos frères bien-aimés
Mille fois mieux au cimetière.
Quand les Marseillaises ardentes
De nouveau passeront dans l’air,
Leurs noms mêlés dans les tourmentes
Auront le sort dont on est fier.
Et pour la suprême vengeance
Il faudra bien que nous mettions
Au pilori des nations
Les noms des vendeurs de la France.
Alors comme on fait aux reptiles :
La grande Justice en passant
Écrasera vos hordes viles,
Pâles, sous son pied triomphant.
Après votre heure, c’est la nôtre !
Non, vous n’aurez pas pour mourir
Le champ sacré par le martyr,
Leur sang est trop pur pour le vôtre.
Les braves de la République
Sont morts au pied de ses poteaux !
Là pour un cœur patriotique
Vous étiez dix mille bourreaux,
Arrière, les traîtres infâmes,
Ce n’est pas là que vous mourrez !
Mais de loin vous les reverrez
Dans l’épouvante de nos âmes.
Tuez, tuez toujours, tuez par millions !
Nous reviendrons,
Morts ou vivants, par sombres légions.
28 octobre 1872