Aux morts
Vroncourt avait de rouges roses,
Au cœur plein de poussière d’or ;
En été par milliers écloses,
Ô roses, je vous vois encor.
Et dans les aurores vermeilles,
Les pattes jaunes le matin,
Par milliers aussi, les abeilles
Y venaient chercher leur butin.
Comme leurs maîtres, les abeilles
Sont mortes, tout est renversé,
Toujours les aubes sont vermeilles,
Aux seuils ou la mort a passé.
Sur les tombes la mousse est verte,
L’herbe croît, nul n’y vient en pleurs,
Et moi par la fenêtre ouverte,
M’arrivent vos parfums, ô fleurs.
À Clermont, devant ma fenêtre
Fleurissait un grand rosier blanc ;
Quand la fleur s’ouvre, on voit paraître
Sur sa chair, des tâches de sang !
Ma mère aimait ces belles roses,
C’était fête, quand je pouvais
En envoyer, fraîches écloses ;
Elle n’en verra plus jamais.
Saint-Lazare, janvier 1885