Aux mânes de Victor Hugo
Tu peux frapper cet homme avec tranquillité.
Victor Hugo
Aux survivants de Mai, dans la grande hécatombe,
Il s’offrit sa maison ; aujourd’hui, sur sa tombe,
C’est Maxime Du Camp,
Du Camp de Satory ! qui prendra la parole,
Pourquoi, pour saluer ce barde au Capitole,
Un front marqué de sang ?
Non pas dans les combats, mais après, comme un traître.
De ce sang des vaincus, qui fit horreur au maître ;
Comme à la chasse un chien
Fait lever un gibier, ce mouchard volontaire,
Six ans nous l’avons vu, pour les conseils de guerre,
Chasser au citoyen !
Le bourreau Galliffet se montre face à face ;
On sait les quinze noms de ceux du coup de grâce ;
Dans l’abattoir sanglant
Ils n’ont fait que tuer ; lui, jetait de la boue
À ceux qu’il indiquait pour qu’on les mît en joue,
Lui, Maxime Du Camp !
Du Camp de Satory ; on peut frapper cet homme
Avec tranquillité, pas comme un autre, en somme,
Mais en le souffletant.
Car ce n’est qu’un défi, sa parole honteuse,
Comme un crachat jeté à la foule houleuse
Qui l’entoure en grondant.
Sous les arbres en fleur, au rouge anniversaire,
Comme une insulte à ceux qui dorment sous la terre,
Il ne parlera pas.
Ô maître ! nous veillons des tombes et des geôles ;
Sur toi ne tombera nulle de ses paroles
Et nul bruit de ses pas.
Ah ! de la part des morts, de la tombe béante,
Le peuple jettera, fétu dans la tourmente,
Le sinistre histrion.
Qu’il aille sous le vent terrible des colères,
Sous le vent qui dans l’air fait claquer nos bannières,
Qu’il aille, ce haillon !