À des ennemis
Je suis le lion mourant, superbe et solitaire,
Que la chasse poursuit jusque sur son rocher ;
Je suis le lis brisé, tout couvert de poussière
Par l'orage et les vents, et que d'un pied vulgaire
Foulent la chèvre errante et l'ignorant berger.
Je suis l'aigle suis l'aigle hardi, qui voit crouler son aire
Dans l'horrible tourmente, et qui d'un plus haut lieu
Que celui des éclairs écoute le tonnerre,
Exilé de trop haut pour jeter à la terre
De ces pleurs indignés que dessèche le feu.
Merci, car vous m'avez fait horreur de la terre ;
J'ai trouvé pour vous fuir la route de l'azur.
Peu m'importent vos bruits, votre folle colère.
Je vois, bien loin de vous, une phalange entière
De fiers réformateurs, au front superbe et pur.
Leur rêve est le mien même; il est grand et sublime.
J'y vais à travers tout! Leurs cœurs sont généreux
Et les vôtres sont froids; je m'en vais à la cime
Autour de vous toujours tout est nuit et crime.
Je m'en vais pour combattre et mourir avec eux.
Paris, janvier 1862