12 janvier 1870

           Ô oui ! l'horrible coupe est pleine,

           Elle est toute pleine de sang,

           Chaque heure voit grandir la haine

           Et la colère va montant.

Les morts des meurtriers ne troublent point la paix

                             Jamais, jamais !

L'ombre est profonde et les cercueils muets.

           Bien d'entre nous sont sous la terre,

           L'armée enserre tout Paris,

           On en peut faire un cimetière.

           Régnez impériaux, bandits !

           Entassez bien crime sur crime :

           Nous sommes là, nous les vengeurs.

           Nous maudissons les oppresseurs

           Sur la tombe de la victime.

Les morts des meurtriers ne troublent point la paix

                             Jamais, jamais !

L'ombre est profonde et les cercueils muets.

           Allez, la vengeance est en croupe,

           Allez, allez, allez toujours,

           D'un gouffre la route se coupe,

           Adieu grandeurs, richesse, amours,

           La fortune vous abandonne.

           Tous les princes des grands chemins

           Tous les augustes assassins,

           Entendez-vous l'heure qui sonne ?

Les morts des meurtriers ne troublent point la paix

                             Jamais, jamais !

L'ombre est profonde et les cercueils muets.

           Vous avez lâché votre meute

           Sur le peuple sans l'émouvoir,

           Car pour faire rugir l'émeute

           Plus que vous tous il faut valoir.

           Ah, vous voulez des morts sans nombre

           Mais pour vous les temps sont fatals,

           Vous ne pouvez plus, vils chacals,

           Ronger les cadavres dans l'ombre.

Les morts des meurtriers ne troublent point la paix

                             Jamais, jamais !

L'ombre est profonde et les cercueils muets.