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ADIEUX AU COLLÈGE DU BELLEY





ASILE vertueux qui formas mon enfance

A l’amour des humains, à la crainte des dieux,

Où je sauvai la fleur de ma tendre innocence,

Reçois mes pleurs et mes adieux !


Trop tôt je t’abandonne, et ma barque légère,

Ne cédant qu’à regret aux volonté du sort,

Va se livrer aux flots d’une mer étrangère,

Sans gouvernail et loin du bord.


Ô vous dont les leçons, les soins et la tendresse

Guidaient mes faibles pas au sentier des vertus,

Aimables sécateurs d’une aimable sagesse,

Bientôt je ne vous verrai plus !


Non, vous ne pourrez plus condescendre et sourire

A ces plaisirs si purs, pleins d’innocents appas ;

Sous le poids des chagrins si mon âme soupire,

Vous ne la consolerez pas !


En butte aux passions, au fort de la tourmente,

Si leur fougue un instant m’écartait de vos lois,

Puisse au fond de mon cœur votre image vivante

Me tenir lieu de votre voix !


Qu’elle allume en mon cœur un remords salutaire !

Qu’elle fasse couler les pleurs du repentir !

Et que des passions l’ivresse téméraire

Se calme à votre souvenir !


Et toi, douce amitié, viens, reçois mon hommage :

Tu m’as fait dans tes bras goûter de vrais plaisirs ;

Ce dieu tendre et cruel qui m’attend au passage

Ne fait naître que des soupirs.


Ah ! trop volage enfant, ne blesse point mon âme

De ces traits dangereux puisés dans ton carquois !

Je veux que le devoir puisse approuver ma flamme ;

Je ne veux aimer qu’une fois.


Ainsi dans la vertu ma jeunesse formée

Y trouvera toujours un appui tout nouveau,

Sur l’océan du monde une route assurée,

Et son espérance au tombeau.


A son dernier soupir, son âme défaillante

Bénira des mortels qui firent mon, bonheur :

On entendra redire à ma bouche mourante

Leurs noms si chéris de mon cœur !

  

Alphonse de LAMARTINE

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