LES DEUX LIONS
FABLE
LE roi des animaux, accablé par les ans,
Mourut. Lors, sans prendre de temps,
Des seigneurs de la cour la cohorte assemblée
Décida, par plusieurs édits,
Que sa place serait donnée
Au plus brave de ses deux fils,
Et que, pour en juger avec plus de justice,
Ils se disputeraient en lice
Le rare bonheur de régner.
C'est pourquoi je vais détailler
Les qualités de ces deux frères
Et leurs différents caractères.
L'un était lâche et paresseux,
Enseveli dans la mollesse,
Il n'aimait qu'à dormir et le faisait sans cesse.
L'autre était fort et belliqueux,
Bouillant, enclin à la colère,
Il ne se plaisait qu'à la guerre,
Et son nom était, dans les bois,
Célèbre par nombre d'exploits.
L'arène s'ouvre : avec bien de la peine,
Le paresseux lion s'y traîne ;
A peine est-il entré que l'autre avec furie
Le terrasse et s'apprête à lui donner la mort.
L'infortuné vaincu lui demande la vie,
Et confesse être le moins fort :
Le vainqueur lui fait grâce, et bientôt la couronne
Est accordée à sa valeur.
Princes qui prétendez au trône,
Fuyez une molle langueur :
Elle énerve la force, elle abat le courage
Et ne donne aucun avantage.