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PREMIÈREMENT

XIX



                    Une brise de danses     
                    Par une route sans fin

                    Les pas des feuilles plus rapides

                    Les nuages cachent ton ombre.


                    La bouche au feu d'hermine

                    À belles dents le feu

                    Caresse couleur de déluge

                    Tes yeux chassent la lumière.


                    La foudre rompt l'équilibre

                    Les fuseaux de la peur

                    Laissent tomber la nuit

                    Au fond de ton image.

 



XX



      L'aube je t'aime j'ai toute la nuit dans les veines

      Toute la nuit je t'ai regardée

      J'ai tout à deviner je suis sûr des ténèbres

      Elles me donnent le pouvoir

      De t'envelopper

      De t'agiter désir de vivre

      Au sein de mon immobilité

      Le pouvoir de te révéler

      De te libérer de te perdre

      Flamme invisible dans le jour.


      Si tu t'en vas la porte s'ouvre sur le jour

      Si tu t'en vas la porte s'ouvre sur moi-même.




XXI



                   Nos yeux se renvoient la lumière

                   Et la lumière le silence

                   À ne plus se reconnaître

                   À survivre à l'absence.




XXII



Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin

Ciel dont j'ai dépassé la nuit

Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes

Dans leur double horizon inerte indifférent

Le   front   aux   vitres   comme   font   les   veilleurs  de             chagrin

Je te cherche par-delà l'attente

Par-delà moi-même

Et je ne sais plus tant je t'aime

Lequel de nous deux est absent.


   


XXIII



                   Voyage du silence

                   De mes mains à tes yeux


                   Et dans tes cheveux

                   Où des filles d'osier

                   S'adossent au soleil

                   Remuent les lèvres

                   Et laissent l'ombre à quatre feuilles

                   Gagner leur cœur chaud de sommeil.




XXIV



        L'habituelle

        Joue bonjour comme on joue l'aveugle

        L'amour alors même qu'on y pense à peine

        Elle est sur le rivage et dans tous les bras

        Toujours

        Les hasards sont à sa merci

        Et les rêves des absents

        Elle se sait vivante

        Toutes les raisons de vivre.




XXV



            Je me suis séparé de toi

            Mais l'amour me précédait encore

            Et quand j'ai tendu les bras

            La douleur est venue s'y faire plus amère

            Tout le désert à boire


            Pour me séparer de moi-même.




XXVI



            J'ai fermé les yeux pour ne plus rien voir

            J'ai fermé les yeux pour pleurer

            De ne plus te voir                  

           

            Où sont tes mains et les mains des caresses

            Où sont tes yeux les quatre volontés du jour

            Toi tout à perdre tu n'es plus là

            Pour éblouir la mémoire des nuits.


            Tout à perdre je me vois vivre.



  

L'AMOUR  LA POÉSIE

Paul ÉLUARD

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