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Paul ÉLUARD

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CAPITALE DE LA DOULEUR

                     PREMIERE DU MONDE



à Pablo Picasso.



Captive de la plaine, agonisante folle,

La lumière sur toi se cache, vois le ciel :

Il a fermé les yeux pour s'en ^prendre à ton rêve,

Il a fermé ta robe pour briser tes chaînes.


                    Devant les roues toutes nouées

                    Un éventail rit aux éclats.

                    Dans les traîtres filets de l'herbe

                    Les routes perdent leur reflet.

                    Ne peux-tu donc prendre les vagues

                    Dont les barques sont les amandes

                    Dans ta paume chaude et câline

                    Ou dans les boucles de ta tête ?


                    Ne peux-tu prendre les étoiles ?

                    Écartelée, tu leur ressembles,

                    Dans leur nid de feu tu demeures

                    Et ton éclat s'en multiplie.



De l'aube bâillonnée un seul cri veut jaillir,

Un soleil tournoyant ruisselle sous l'écorce

Il ira fixer sur tes paupières closes.

Ô douce, quand tu dors, la nuit se mêle au jour.


                     *

  Sous  la  menace  rouge  d'une   épée,  défaisant  sa

chevelure qui guide les baisers, qui montre à quel en-

droit  le  baiser  se  repose,  elle  rit.  L'ennui,  sur son

épaule, s'est endormi. L'ennui ne s'ennuie qu'avec elle

qui rit, la téméraire, et d'un rire insensé, d'un rire de

fin du jour semant sous tous les ponts des soleils rou-

ges, des lunes bleues, fleurs fanées d'un bouquet dé-

senchanté. Elle est comme une grande voiture de blé

et ses mains germent et nous tirent la langue. Les rou-

tes qu'elle traîne derrière elle sont des animaux do-

mestiques et ses pas majestueux leur ferment les yeux.