PARIS PENDANT LA GUERRE
Amoureux d'une statue.
Les bêtes qui descendent des faubourgs en feu,
Les oiseaux qui secouent leurs plumes meurtrières,
Les terribles ciels jaunes, les nuages tout nus
Ont, en toute saison, fêté cette statue.
Elle est belle, statue vivante de l'amour.
Ô neige de midi, soleil sur tous les ventres,
Ô flammes du sommeil sur un visage d'ange
Et sur toutes les nuits et sur tous les visages.
Silence. Le silence éclatant de ses rêves
Caresse l'horizon. Ses rêves sont les nôtres
Et les mains de désir qu'elle impose à son glaive
Enivrent d'ouragans le monde délivré.
*
L'icône aérée qui se conjugue isolément peut faire une place décisive à la plus fausse des couronnes ovales, crâne de Dieu, pollué par la terreur. L'os gâté par l'eau ironie à flots irrités qui domine de ses yeux froids comme l'aiguille sur la machine des bonnes mères la tranche du globe que nous n'avons pas choisie.
Doux constructeurs las des églises, doux construc- teurs aux tempes de briques roses, aux yeux grillés d'espoir, la tâche que vous deviez faire est pour toujours inachevée. Maisons plus fragiles que les paupières d'un mourant, allaient-ils s'y employer à qui perd gagne ? Boîtes de perles avec, aux vitres, des visages multicolores qui ne se doutent jamais de la pluie ou du beau temps, du soleil d'ivoire ou de la lune tour à tour de soufre et d'acajou, grands animaux immobiles dans les veines du temps, l'aube de midi, l'aube de minuit, l'aube qui n'a jamais rien commencé ni rien fini, cette cloche qui partout et sans cesse sonne le milieu, le cœur de toute chose, ne vous gênera pas. Grandes couvertures de plomb sur des chevelures lisses et odorantes, grand amour transparent sur des corps printaniers, délicats esclaves des prisonniers, vos gestes sont les échelles de votre force, vos larmes ont terni l'insouciance de vos maîtres impuissants, et désormais vous pouvez rire effrontément, rire, bouquets d'épées, rire, vent de poussière, rire comme arcs-en-ciel tombés de leur balance, comme un poisson géant qui tourne sur lui-même. La liberté a quitté votre corps.
*
Le diamant, qu'il ne t'a pas donné, c'est parce qu'il l'a eu à la fin de sa vie, il n'en connaissait plus la mu- sique, il ne pouvait plus le lancer en l'air, il avait perdu l'illusion du soleil, il ne voyait plus la pierre de ta nudité, chaton de cette bague tournée vers toi.
De l'arabesque qui fermait les lieux d'ivresse, la ronce douce, squelette de ton pouce et tous ces signes précurseurs de l'incendie animal qui dévorera en un clin de retour de flamme ta grâce de la Sainte-Claire.
Dans les lieux d'ivresse, la bourrasque de palmes et de vin noir fait rage. Les figures dentelées du jugement d'hier conservent aux journées leurs heures entr'ou--vertes. Es-tu sûre, héroïne aux sens de phare, d'avoir vaincu la miséricorde et l'ombre, ces deux sœurs lavandières, prenons-les à la gorge, elles ne sont pas jolies et pour ce que nous voulons en faire, le monde se détachera bien assez vite de leur crinière peignant l'encens sur le bord des fontaines.
*
L'hiver sur la prairie apporte des souris.
J'ai rencontré la jeunesse.
Toute nue aux plis de satin bleu,
Elle riait du présent, mon bel esclave.
Les regards dans les rênes du coursier,
Délivrant le bercement des palmes de mon sang,
Je découvre soudain le raisin des façades couchées sur le soleil,
Fourrure du drapeau des détroits insensibles.
La consolation graine perdue,
Le remords pluie fondue,
La douleur bouche en cœur
Et mes larges mains luttent,
La tête antique du modèle
Rougit devant ma modestie.
Je l'ignore, je la bouscule,
Ô ! lettre aux timbres incendiaires
Qu'un bel espion n'envoya pas.
Il glissa une hache de pierre
Dans la chemise de ses filles,
De ses filles tristes et paresseuses.
A terre, à terre tout ce qui nage !
A terre, à terre tout ce qui vole !
J'ai besoin des poissons pour porter ma couronne
Autour de mon front,
J'ai besoin des oiseaux pour parler à la foule.
*
Grandes conspiratrices, routes sans destinée, croisant l'x de mes pas hésitants, nattes gonflées de pierres ou de neige, puits légers dans l'espace, rayons de la roue des voyages, routes de brises et d'orages, routes viriles dans les champs humides, routes féminines dans les villes, ficelles d'une toupie folle, l'homme, à vous fréquenter, perd son chemin et cette cvertu qui le condamne aux buts. Il dénoue sa présence, il abdique son image et rêve que les étoiles vont se guider sur lui.