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Page ARAGON Louis 2

            ROMANCE DU TEMPS QU'IL FAIT



         Jeunes raisons vieilles folies

         Où vont les spectres des monarques

         Et les modernes Ophélies

         Notre monde atroce démarque

         Le royaume de Danemark


         Homme il est pourri ton royaume

         Hélas hélas pauvre Yorick

         Pauvre Pierre ou pauvre Guillaume

         Morts de vos rêves chimériques

         Sans avoir trouvé l’Amérique


         Le Roi n’a pas voulu la guerre

         Il préfère les tragédies

         La Cour avait reçu naguère

         Le calculateur Inaudi

         La reine n’a pas applaudi


         Son Excellence au cimetière

         Quel ministre a le cœur troué

         Polonius sous la portière

         Crève au mur comme un rat cloué

         Hamlet par Dieu c’est bien joué


         Toujours prêts à remplir vos poches

         Vous ressemblez à trop de gens

         Rosenkrantz Guldenstram fantoches

         Vous qui tuez pour de l’argent

         Celui qui vous fut indulgent


         Mais le maréchal-des-logis

         À qui je montre ces versets

         Se perd dans mes analogies

         Veut à tout prix savoir qui c’est

         Et moi je lui réponds Qui sait


         Je tiens la clef de ces parades

         Ça me plaît de dire Moi je

         Le mystère en prend pour son grade

         Tant pis s’il vous est outrageux

         Je garde le secret du jeu


         Sais-je qui je suis qui vous êtes

         Ô cavaliers sans chevaux car

         Quand vous cherchez dans vos musettes

         Votre gamelle ou votre quart

         Vous rêvez bal java bocard


         On rêve comme vous mon Prince

         On peut bien s’en payer un grain

         Être ou ne pas être Eh bien mince

         On battra la campagne un brin

         Dans nos voitures tout terrain


         Les femmes que nous intriguons

         Cherchent à lire nos emblèmes

         Les sphinx ça connaît les dragons

         Et d’idéales DLM

         Se battent contre leurs problèmes


         Fumer danser boire et manger

         Et quand Mai vient le cœur soupire

         Le cœur humain n’a pas changé

         Il est aussi fou sinon pire

         Qu’il était aux jours de Shakespeare


         Sur le petit et le grand Belt

         La mort passe avec ses amants

         Celle que j’aime est la plus belle

         Tais-toi jeune étourdi ou mens

         L’heure n’est plus aux longs serments


         La liberté nous abandonne

         Ça fait une grande clameur

         Elle a pris de la belladone

         Dans Elseneur elle se meurt

         Mon amour  pas un mot Demeure


         Black out Terre et ciel sans phares

         Elle dit N’ouvre plus tes bras

         Et lui reste sourd aux fanfares

         Dont la nuit pourtant se timbra

         Ô trompettes de Fortinbras



  

Louis ARAGON

LE CRÈVE-CŒUR

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