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             RICHARD-CŒUR-DE-LION



Si l’univers ressemble à la caserne

À Tours en France où nous sommes reclus

Si l’étranger sillonne nos luzernes

Si le jour aujourd’hui n’en finit plus

 

Faut-il garder le compte de chaque heure

Haïr moi qui n’avais jamais haï

On n’est plus chez soi même dans son cœur

Ô mon pays est-ce bien mon pays


Je ne dois pas regarder l’hirondelle

Qui parle au ciel un langage interdit

Ni s’en aller le nuage infidèle

Ce vieux passeur des rêves de jadis


Je ne dois pas dire ce que je pense

Ni murmurer cet air que j’aime tant

Il faut redouter même le silence

Et le soleil comme le mauvais temps


Ils sont la force et nous nous sommes le nombre

Vous qui souffrez nous nous reconnaissons

On aura beau rendre la nuit plus sombre

Un prisonnier peut faire une chanson


Une chanson pure comme l’eau fraîche

Blanche à la façon du pain d’autrefois

Sachant monter au-dessus de la crèche

Si bien si haut que les bergers la voient


Tous les bergers les marins et les mages

Les charretiers les savants les bouchers

Les jongleurs de mots les faiseurs d’images

Et le troupeau des femmes aux marchés


Les gens du négoce et ceux du trafic

Ceux qui font l’acier ceux qui font le drap

Les grimpeurs de poteaux télégraphiques

Et les mineurs noirs chacun l’entendra


Tous les Français ressemblent à Blondel

Quel que soit le nom dont nous l’appelions

La liberté comme un bruissement d’ailes

Répond au chant de Richard Cœur-de-Lion

Louis ARAGON

LES YEUX D'ELSA

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