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Louis ARAGON

TEXTES ÉPARS   1917-1922

               LA MER INDIENNE

                ET LE SOLEIL TOUT ROUGE



Plus haut plus haut tout monta tout descendit

        en haut

de grandes pupilles tournent en cliquetant

        sur les galeries de cèdre

dans mon souffle les sapins dansent

        comme des grains de poussière

un bruit d'orgue de barbarie tombe

        de la gueule des éléphants dans la nuit

mais quelqu'un cria vers la onzième heure :

        relevez les jupes, bas les pantalons, sortez

        la grosse caisse de la rotule laissez

        tomber les tasses de café de la hauteur

        des seins

OÏOHO OÏOHO les troupes des jeunes

        phoques sortirent des cloaques

tout se cassa autour de la lune mais

        ici les oiseaux empaillés étaient

        perchés sur de longues barres d'acier

tout s'éparpilla et le coup de tonnerre

        s'échappa du kiosque de pourpre

Ô écoutez ma prière vierges de croupions

        et chasseurs de rats

Ô écoutez ma prière masseuses et

        oursins qui vous promenez aux

        sommets des fontaines dans l'éclat

        de vos vêtements

Voici les mandarins ils ont mis à

        sécher leur graisse

Ô haïbjoukoutouolornatourroupsk

        tzerrrrrripstipipp tzeripstipipp ta

        lloubolala talloubolalla tzerripsti‑

        pipp ftipipp

car de la Tour Eiffel tombaient

        les curés et les élèves de l'école

        des eaux et forêts dans leurs uniformes

        rose rouge

des vapeurs sulfureuses s'élèvent des

        cadavres qui descendent les rivières

tout se voûta en haut tout perdit son sable

        et dansa en aéroplane

les morceaux noirs éclatent hors du

        cou l'abondance se déploie

le noir se déploie et chante la chanson

        se déploie taloubolalla taloubolalla

        ô écoutez ma prière

voyez mon gosier de papier brillant et de

        cire vierge

les douzes fusillés dansent autour du vacher

        sourd-muet

entre mes omoplates se promène Tzara le poète

Tzara le poète se promène avec cylindre et

        parapluie

avec parapluie et cylindre se promène

        Tzara le poète

il essuie la sueur de son front

il arrache de sa jambe la couronne de laurier

Ô Ô Tzara Ô Ô Embryon

Ô tête pleine de sang et de blessures


  

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