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Louis ARAGON









3 octobre 1897 – 24 décembre 1982


Entre ces deux dates, la vie d’un homme, d’un homme hors du commun.



Fils naturel de Louis Andrieux (ancien sénateur de Forcalquier) et de Marguerite Toucas.

Né à Paris (bien que déclaré à la mairie de Neuilly sur Seine) le 3 octobre 1897, il y meurt le 24 décembre 1982.

 

Après avoir participé au dadaïsme, il est un des créateurs en 1924 du mouvement surréaliste avec André Breton et Philippe Soupault.

Il rejoint avec certains membres du groupe surréaliste le parti communiste français, auquel il restera fidèle jusqu'à la fin de sa vie. Il sera critique à l'égard de l'URSS, suite aux révélations par Khrouchtchev des crimes du stalinisme, jusqu'à sa mort.


Sa poésie est largement inspirée depuis les années 1940 par l'amour qu'il porte à son épouse, Elsa Triolet, rencontrée en 1928. Elle est écrivaine russe et belle-sœur de Vladimir Maïakovski,

Son œuvre, porte aussi en filigrane la secrète blessure de n'avoir pas été reconnu par son père, diplomate et préfet, de 30 ans plus âgé que sa mère. Celle-ci, afin de préserver l'honneur de sa famille et de son amant, le fit passer pour le fils adoptif de sa mère et Andrieux, son parrain. Il évoque ce qui fut le drame de sa vie dans un petit recueil de poèmes intitulé Domaine Privé.


Il fut, avec Robert Desnos, Paul Éluard, Jean Prévost, Jean-Pierre Rosnay et quelques autres, parmi les poètes qui prirent résolument parti, durant la Seconde Guerre mondiale, pour la Résistance contre le nazisme. Il y a là le sujet d'une autre blessure profonde : la rupture avec son ami Pierre Drieu La Rochelle, qui après avoir « hésité entre communisme et fascisme » (voir Une femme à sa fenêtre), s'est tourné vers le nazisme. Sorte de suicide, qui le poussera à vraiment se donner la mort à la Libération. Il existe aussi des « œuvres croisées » entre ces deux génies : Gilles et Aurélien.

Après le décès de son épouse en 1970, Aragon affiche ses préférences homosexuelles, que Drieu La Rochelle avait évoquées dès les années 1930, dans Gilles notamment. Roger Nimier disait d'ailleurs, à son propos : « C'est le seul homme capable d'assister à une réunion du Comité Central du PCF en smoking rose. » Il meurt le 24 décembre 1982, veillé par son ami Jean Ristat. Il est inhumé dans le parc du Moulin de Villeneuve, dans sa propriété de Saint-Arnoult-en-Yvelines, aux côtés de son Elsa.


Louis Aragon adhère au Parti communiste français le 6 janvier 1927. Contrairement à la plupart de ses amis surréalistes qui s'en détachent les années suivantes (certains pour y revenir plus tard, tel Paul Éluard), il va rester fidèle à cet engagement jusqu'à sa mort.

Parmi ses activités militantes, le journalisme et la direction de journaux placent Aragon dans le réel de son siècle. Il travaille à l'Humanité en 1933, pour la rubrique des faits divers.

En mars 1937, Aragon est appelé par son Parti, à diriger le nouveau quotidien du soir, Ce soir, qu'il lance. Il partage la direction du journal, qui tente de concurrencer Paris-Soir, avec l'écrivain Jean-Richard Bloch. Son activité est intense, car il mène de front cette tâche avec l'écriture romanesque et sa participation à Commune.

Ce soir, interdit en août 1939, renaît à la Libération. Aragon reprend la direction du quotidien, en duo avec Jean Richard Bloch, puis seul après la mort de ce dernier en 1947. Le journal, qui compte Émile Danoën parmi ses collaborateurs, disparaît en mars 1953.

Aragon devient directeur de l'organe de presse littéraire Les Lettres françaises dans les jours qui suivent l'arrêt de Ce soir.

Épaulé par Pierre Daix, rédacteur en chef, il mène à partir des années 60 un combat de plus en plus ouvert contre le stalinisme et ses séquelles dans le bloc de l'Est.

Il fait connaître des écrivains tels Alexandre Soljenitsyne ou Milan Kundera.

Les Lettres françaises, déficitaires, perdent le soutien financier du Parti communiste et doivent cesser leur parution en 1972.


Parallèlement à ses tâches journalistiques, Louis Aragon dispose d'un moyen pour faire connaître les écrivains. Il est en effet président-directeur général d'une maison d'édition, appartenant à l'orbite éditoriale communiste, les Éditeurs français réunis (EFR).

Héritière de deux maisons fondées dans la Résistance, La Bibliothèque française et Hier et Aujourd'hui, les EFR qu'il dirige avec Madeleine Braun, publient dans les années 1950 les écrivains français rattachés communément au courant « réaliste-socialiste ».

C'est aux EFR qu'est publié Premier choc, le roman qui vaut à André Stil, futur académicien Goncourt, le Prix Staline 1953.

Les EFR publient les écrivains « réalistes-socialistes » soviétiques.

Ils font connaître les écrits des tchèques Julius Fučík ou Vítězslav Nezval, les poèmes de Rafael Alberti, Yánnis Rítsos ou l’œuvre de Vladimir Maïakovski.

À partir du début des années 1960, il permet la connaissance de littératures soviétiques non russes tel les romans de l'écrivain kirghize Tchinquiz Aïtmatov, mais aussi des écrivains russes se situant dans le « dégel » post-stalinien : l'ingénieur Bakhirev, de Galina Nicolaëva, publié en 1960, Babi Iar de Anatoli Kouznetsov, publié en 1967.

De même en 1964, les EFR éditent le premier roman de l'écrivaine est-allemande Christa Wolf, Le Ciel partagé.

Enfin dans le domaine de la poésie, Aragon lance la collection Petite sirène, qui permet de faire aimer au public non seulement des auteurs consacrés, comme Pablo Neruda, Eugène Guillevic, ou Nicolas Guillen mais aussi de jeunes poètes français, tels Dominique Grandmont, Alain Lance ou Jean Ristat.


 « Nul n'aura été plus habile détecteur de l'insolite sous toutes ses formes ; nul n'aura été porté à des rêveries si grisantes sur une sorte de vie dérobée de la ville (je ne vois que lui qui ait pu souffler à Jules Romains la prestigieuse fable des 365 appartements à communication clandestine qui existeraient à Paris). Aragon était en ce sens étourdissant — y compris pour lui-même. [...] Extrêmement chaleureux et se livrant sans réserve dans l'amitié. Le seul danger qu'il court est son trop grand désir de plaire [...] Il a toujours aimé les acrobates ; nul ne s'entend comme lui à prendre le vent ; vous n'avez pas décidé, même contre son avis, de gravir une colline qu'il est déjà au sommet... Le sentiment général, parmi [les surréalistes], est qu'il reste très "littérateur" : même cheminant avec vous par les rues, il est rare qu'il vous épargne la lecture d'un texte achevé ou non. Fatalement ces textes en viennent à être de plus en plus à effets ; tout comme il aime, en parlant dans les cafés, à ne rien perdre de ses attitudes dans les miroirs. » André Breton, « Entretiens », 1952.


Ayant vécu les horreurs de la première guerre, l'engagement d'Aragon est bien antérieur à sa période communiste militante. Son adhésion au surréalisme peut être comprise comme l'expression de sa révolte devant une société dont les travers et les injustices l'insupportent. Parmi ses amis des années 20, qui adhèrent au communisme en même temps que lui, il est le seul qui s'implique rapidement et entièrement dans la défense de l'Union soviétique, quitte à utiliser pour cela ses armes littéraires : Hourrah l'Oural en est un exemple. Le sectarisme qui touche le Parti Communiste en France entre 1929 et 1933 ne semble pas émouvoir l'ancien adepte de la provocation surréaliste. Le tournant politique de 1934, la politique d'alliance, le front populaire, la défense de la culture française lui permettent d'accéder à des responsabilités où il s'épanouit. Le magistère intellectuel qu'il commence à tenir n'est toutefois pas sans ombres. En 1935, lors du Congrès mondial des écrivains pour la défense de la culture, il n'est pas de ceux qui mettent en doute le socialisme du régime soviétique, malgré les informations sur la terreur qui s'installe, sous paravent révolutionnaire, en URSS. Il s'oppose à son ancien ami André Breton, qui voudrait utiliser la tribune du congrès pour défendre Victor Serge, emprisonné là bas.


Mobilisé en 1939, Aragon retrouve la médecine militaire. Subissant en mai 1940 la débâcle des armées françaises, il y fait preuve d'un courage qui lui vaut d'être décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire.

Réfugié en Zone sud, il va s'engager autant par la plume qu'en organisateur clandestin, à la Résistance dans les milieux intellectuels.

Son œuvre poétique est mise au service de la mobilisation patriotique, célébrant sa Patrie des cent villages, la Rose et le Réséda, Gabriel Péri, celui qui chanta dans les supplices, et Honoré d'Estienne d'Orves, offrant aux maquisards La Chanson du franc-tireur. Il participe aussi, avec Elsa Triolet à la mise sur pieds du Front National des écrivains en zone sud.

Chantre de la Résistance aux temps dangereux, il en est après-guerre, avec Paul Éluard, Pierre Seghers, René Char, le témoin poétique, le veilleur d'une mémoire. C'est ainsi qu'il compose, en 1954, Strophes pour se souvenir, poème à la gloire du rôle des étrangers dans la Résistance, célébrant dans les Francs-tireurs et partisans de la MOI du groupe Manouchian dont la condamnation avait été publiée sur l'affiche rouge : l'ensemble de Nos frères, pourtant. Mis en musique par Léo Ferré, c’est devenu une des chansons les plus poignantes du répertoire français.

À la Libération, fort de l'influence qu'il a gagnée dans la Résistance, Louis Aragon acquiert le statut de l'intellectuel communiste, défenseur d'une ligne politique. Ainsi, au Comité national des écrivains, il assume l'épuration dans les milieux littéraires, dans ses nécessités et ses excès. Il est amené à défendre la condamnation par les russes du régime de Tito en Yougoslavie, comme à célébrer les dirigeants de l'époque, Maurice Thorez en particulier.

En 1950, Louis Aragon, à la demande de Thorez, est élu au Comité central du Parti communiste français. Il prend part avec l'autorité que lui confère cette fonction aux divers débats idéologiques qui secouent son parti après la mort de Staline, et plus encore après le XXe Congrès du PC de l'URSS de 1956.

Au sein du PCF, sa position éminente ne le place pas à l'abri des attaques. Ainsi, quand en 1953, les Lettres françaises publient un dessin de Picasso, à l'occasion de la mort de Staline, il est contraint de faire amende honorable devant les critiques qui jugent le portrait iconoclaste.

Au fil des années, mis au courant de la répression stalinienne par l'intermédiaire d'Elsa Triolet, ses positions évoluent. Du soutien à la répression des insurgés de Budapest en 1956, soutien qui provoque l'éclatement du Comité national des écrivains, que quitte Vercors, il aboutit à une très vive condamnation des pratiques autoritaires du communisme soviétique. Il ouvre son journal aux dissidents, il réprouve les procès contre les intellectuels, en particulier en 1966 lors du procès des écrivains Siniavsky et Daniel.

En mai 1968, il témoigne d'une forte sympathie pour le mouvement étudiant. Puis survient, en août de la même année l'intervention des troupes soviétiques qui met fin au Printemps de Prague. Aragon préface à ce moment là la traduction française du livre de Milan Kundera, La Plaisanterie. Sa colère lui fait écrire un texte fort : « Et voilà qu'une fin de nuit, au transistor, nous avons entendu la condamnation de nos illusions perpétuelles... » Pourtant, lorsqu'il meurt en 1982, il est toujours « officiellement » membre du Comité central du PCF.


Aragon est lauréat du Prix Lénine pour la paix en 1956.


Il signe une œuvre poétique plurielle, où la prose le dispute à la poésie à forme fixe, qu'il renouvelle.

Après une première période très libre marquée par le surréalisme et ses jeux de langage, il retourne à une forme plus classique de poésie (vers mesurés et rimes), très inspirée par Guillaume Apollinaire, pour mieux rendre compte de la France (et de la Résistance) à l'heure de la seconde guerre mondiale.

Après guerre, l'aspect politique de sa poésie s'efface de plus en plus devant son aspect lyrique. Sans jamais renier ce retour au classicisme, il y intègre de plus en plus des formes plus libres, se rapprochant du surréalisme de ses débuts qu'il a toujours affirmé n'avoir jamais renié.

Son œuvre romanesque épouse les contours de la production de son siècle (qu'il invente en partie), roman surréaliste, réaliste, puis nouveau roman.

Son désir de roman ne s'est jamais démenti,

• malgré la méfiance de ses amis surréalistes (pour qui écrire une phrase romanesque du type La marquise sortit à cinq heures était la négation même de leur idéal littéraire par sa platitude),

•  puis celle des communistes qui auraient voulu le voir exalter plus le Parti (il a avoué avoir arrêté la rédaction de son roman Les Communistes quand de nombreux militants lui firent part de leur satisfaction à le voir faire enfin ce qu'ils attendaient de lui),

•  sans parler de celle des critiques (notamment de droite) qui voyaient en lui le communiste avant de voir l'écrivain, chose qui le vexait.


  

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