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LA BALLADE DU COU COURT


Un stratège au cou court

Doit exister de temps en temps,

Sa poitrine touche son menton

Et sa nuque frôle son dos.


Sur un cou court, imperceptible

La tête tient plus commodément,

C'est plus dur de l'étrangler

Ou même au lasso de l'attraper.


Mais ils tendent bien le cou,

Dressés sur la pointe des pieds :

Pour voir mieux et plus loin

Il faut regarder par-delà les têtes.


Tu es un cheval ombrageux,

Même si tu voyais la lumière au loin,

Ta pose est incertaine et fragile

Et ton cou est bon pour la corde.


La première petite vipère venue

Compte déjà les vertèbres de ton cou.

On voit plus loin mais c'est imprudent

De vivre le cou découvert parmi les gens.


Mais ils tendent bien le cou,

Dressés sur la pointe des pieds ;

Pour voir mieux et plus loin

Il faut regarder par-delà les têtes.


Tu te cabres et tu lances un défi,

Tu t'offres ainsi au couteau du boucher,

Un authentique stratège en vérité

Martèle la terre de plein pied.


L'Asie est le pays des embuscades

Le demi-dieu ne peut pas admettre

Que des malins le prennent à revers

Et le renversent du premier coup.


Mais ils tendent bien le cou,

Dressés sur la pointe des pieds ;

Pour voir mieux et plus loin

Il faut regarder par-delà les têtes.


Les nerfs se relâchent, comme une bride

Qui ne retient ni ne garde plus rien ;

Un sécateur se glisse sous tes jambes

Et une paume ouverte traîne sur ton cou.


On peut rentrer avec mélancolie

Sa tête dans ses épaules sans risque,

Mais c'est vraiment très laid

De marcher la tête rétractée.


Mais ils tendent bien le cou,

Dressés sur la pointe des pieds ;

Pour voir mieux et plus loin

Il faut regarder par-delà les têtes.


Un vieux sage m'a raconté

Cette vieille parabole orientale

Et j'ai murmuré en mesurant mon cou :

"Même les contes ici sont cruels."


  

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Vladimir VISSOTSKI