Saint VALENTIN
Une fête païenne, des martyrs chrétiens, la reproduction des oiseaux…
Les origines de la fête des amoureux et de son saint sont incertaines.
Un vrai jeu de piste, historique et religieux.
C’est le paradoxe de la Saint-Valentin. Une notoriété internationale, échappée des seules frontières du calendrier liturgique. Avec, le jour de sa fête, des amoureux du monde entier se tenant tendrement la main, tandis que fleuristes et chocolatiers se les frottent (les mains). Et pourtant. Qui connaît vraiment ce fameux Valentin ?
Disons-le d’emblée, si l’amour est un mystère, saint Valentin n’est pas en reste. Son histoire tient du puzzle incomplet, salmigondis de faits et de légendes. Le tout accolé à une galerie de personnages méconnus. Dès lors, difficile de savoir à quel saint se fier.
Plusieurs saints
L’Église catholique référence ainsi pas loin d’une dizaine de saints portant le nom de Valentin, morts entre le IIIe et le XXe siècle. Nominis, le site internet de la Conférence des évêques de France sur les saints du calendrier, en évoque un particulièrement intéressant, fêté le 14 février, martyr mort en 269 : "Il était, dit-on, évêque de Terni en Italie et jouissait du renom de thaumaturge. Un miracle le fit connaître comme chrétien et le préfet de Rome fit mettre à mort celui qui avait mis ses pouvoirs de prêtre et ses talents de médecin au service des chrétiens prisonniers pour leur foi... Une confusion entre différentes légendes du Moyen-Âge l'a fait devenir patron des amoureux."
On pourrait penser avoir trouvé le bon. Mais les précautions de langage incitent au doute. À juste titre. Un autre cas le dispute au premier. Celui d’un prêtre de Rome, décapité à la même période. Alors que le culte impérial redoute une montée du christianisme, ce Valentin-là est arrêté et sommé par l’empereur Claude II de renoncer à sa foi. Brillant orateur, le religieux aurait fini par l’émouvoir. Son préfet, inquiet de la tournure de l’échange, le confie à un soldat, dont la fille est aveugle. Valentin la soigne et convertit au passage la famille. Ce qui n’arrangera pas ses affaires.
Deux saints, deux parcours similaires, donc. Qui font toujours débat chez les historiens. L’hypothèse la plus vraisemblable reste une lutte d’influence entre les deux cités italiennes, l’une ayant créé de toutes pièces son martyr. Pour ajouter au trouble, l’encyclopédie catholique en évoque un troisième, évoluant cette fois en Afrique, mais dont on ne sait rien de plus…
Reliques
" Il faut rester modeste sur l'origine de tous ces Valentin, préconise Michel Berardo, vice-président de l'Association Sazint-Valentin, qui organise tous les deux ans une grande fête dans la commune de Roquemaure (Gard). Des restes de corps ont bien été retrouvés, mais dans des catacombes mal référencés. " Et le commerce de reliques, très important au XIXe siècle, a de surcroît contribué à leur éparpillement.
Ainsi, depuis 1868, Roquemaure a les siennes, grâce à un riche propriétaire viticole qui pensait se prémunir du phylloxéra. D’autres sont exposées à Saint-Pierre-du-Chemin, en Vendée. Ou encore en Irlande, où l’église carmélite Whitefriar, à Dublin, revendique la dépouille complète.
Peaux de boucs et petits oiseaux
Reste la question de la fête. Il suffit de la poser pour qu’un ange passe. Car, là encore, son origine est sujette à caution. Il est très probable qu’il s’agisse d’une astuce de l’Église pour enterrer une tradition païenne. En l’occurrence les Lupercales, une fête de la fécondité qui se déroulait le 15 février, où des hommes courant à demi-nus frappaient les femmes avec la peau d’un bouc fraîchement égorgé… Seule certitude, à la fin du Ve siècle, le pape Gélase Ier décréta le 14 comme fête de la Saint-Valentin. Mais aucun document n’explique son rapport aux amoureux.
Autre hypothèse : une tradition bien présente dans l’Angleterre moyenâgeuse. À cette époque, on avait pour habitude d’échanger des billets doux le 14 février, jour supposé inaugurer le cycle de reproduction des oiseaux. Une pratique qui a ensuite essaimé dans certaines régions de France. Dans ses écrits, François de Sales cite notamment l’exemple d’Annecy. Dans la cité savoyarde, les noms des jeunes gens étaient tirés au sort. Ces Valentin et Valentine avaient des obligations l’un envers l’autre pendant un an, comme aller aux bals, aux réunions, offrir des cadeaux…
Michel Berardo avance une troisième piste. Le Valentin de Rome serait devenu patron des amoureux car il célébrait en cachette des unions entre des femmes et des soldats romains. Ce qui aurait déplu à l’empereur, inquiet pour les performances de son armée, et expliquerait la fin tragique du saint. " Mais comme on n'est sûr de rien, je préfère considérer toutes ces possibilités comme des histoires " relativise-t-il.
Antoine de Saint-Exupéry a écrit “Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ”, vous n'êtes pas tenu de regarder, forcément, en direction des bijoutiers, fleuristes, pâtissiers... si vous n'avez pas envie d'entretenir une fête commerciale.