À Jean Ferrat
C’est la fin de l’hiver, le ciel est gris
Le printemps peine à montrer le bout de son nez
Je guette le rayon de soleil qui pourrait allumer
Le crocus un peu terne sur la pelouse jaunie…
À cet instant la radio brise ma rêverie :
« Jean Ferrat n’est plus, Jean Ferrat nous a quitté ».
En quelques secondes, dans ma tête un manège s’est animé
Que la montagne est belle là où se baignent deux enfants au soleil
Toi qui ne chantais pas pour passer le temps
Toi qui n’hésitais pas à nous chanter tes colères
Tes révoltes devant toutes les bassesses du monde
Tes chansons sont des pages d’Histoire
De Potemkine à Grenade, que de larmes que de sang
Par trains entiers de wagons plombés
S’en allaient Samuel, Sarah et leurs étoiles
Dans la nuit et le brouillard, au bout du chemin
La porte d’entrée, les barbelés… et la sortie par la cheminée
Mais tu as aussi témoigné de ton temps
Dénonçant les Camarades venus éteindre le printemps
Qui s’attardait un mois d’août à Prague…
Tu t’insurgeais de ce PAF obscène, cette anti-culture
Avec toi je me posais la question
Comment peut-on être un jeune républicain indépendant
Avec toi rien de commun, tu chantais la Commune
Cent après Pottier et Clément
Tu faisais rimer Camarade avec cerise et Grenade
Au printemps de quoi rêvais-tu?
Jeune homme bleu de l'innocence…
Oh oui, combien étions nous a rêvé avec toi de refaire le monde
Tentant de faire vivre la Liberté avec la rose au poing
Chez toi pas de petits faits que de grands évènements
Intransigeant en matière de bilan
Tu n’acceptais pas le positif globalement
Car tu voyais l’inacceptable passif.
Ils ont osé assassiner Garcia Lorca
Ils ont osé censurer Ferrat
Mais au-delà du temps le poète a toujours raison…
C’était il y a déjà bien longtemps
Depuis tu as rangé ton micro, refusant
L’industrialisation de la chanson
Toi l’artisan, ciselant tantôt les mots, tantôt la mélodie
Peaufinant en orfèvre de véritables bijoux…
J’aurai aimé goutter la tome de chèvre,
En ta compagnie et celle de ce sacré Félicien,
À l’ombre de tes châtaigniers, d’Antraygues.
Comment peut-on s’imaginer en voyant un vol d’hirondelles
Qu’à jamais tu nous as quitté
Que tu es parti retrouver Garcia Lorca et don Pablo Neruda
Heureusement pour nous consoler
Il nous reste tes très nombreux enregistrements
Que serions-nous sans toi ?
Adieu l’Ami, adieu le poète
Au revoir mon Camarade, tu seras encore pour longtemps
Avec nous, derrière nos banderoles, criant nos colères
Refusant l’injustice et l’inhumanité des gouvernants.
Michel Wissmann 13.03.2010