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La chanson de Craonne


ÉCRITE PAR UN SOLDAT ANONYME


C’est à Craonne sur le plateau…

Quand au bout d'huit jours, le r’pos terminé,

On va r’ prendre les tranchées,

Notre place est si utile

Que sans nous on prend la pile.

Mais c’est bien fini, on en a assez,

Personn’ ne veut plus marcher,

Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot

On dit adieu aux civ’lots.

Même sans tambour, même sans trompette,

On s’en va là-haut en baissant la tête.


(Refrain)

Adieu la vie, adieu l’amour,

Adieu toutes les femmes.

C’est bien fini, c’est pour toujours,

De cette guerre infâme.

C’est à Craonne, sur le plateau,

Qu’on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous condamnés

C’est nous les sacrifiés !


Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,

Pourtant on a l’espérance

Que ce soir viendra la r’ lève

Que nous attendons sans trêve.

Soudain, dans la nuit et dans le silence,

On voit quelqu’un qui s’avance,

C’est un officier de chasseurs à pied,

Qui vient pour nous remplacer.

Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe

Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.


C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards

Tous ces gros qui font leur foire.

Si pour eux la vie est rose,

Pour nous c’est pas la mêm’ chose.

Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,

F’raient mieux d’monter aux tranchées

Pour défendr’ leurs biens, car nous n'avons rien,

Nous autr’s, les pauvr’s purotins.

Tous les camarades sont enterrés là,

Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.


(Refrain)

Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,

Car c’est pour eux qu’on crève.

Mais c’est fini, car les trouffions

Vont tous se mettre en grève.

Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,

De monter sur l’plateau,

Car si vous voulez la guerre,

Payez-la de votre peau !


  

Les combats meurtriers de 1917

au Chemin des Dames

comme au plateau de Craonne

vont engendrer 905 révoltes durement reprimées :

629 condamnations à mort,

dont 75 non commuées,

2873 autres condamnations

dont 1361 aux travaux forcés.

16 AVRIL 1917 Le plateau de Craonne, dans l'Aisne, à l'est du Chemin des Dames, connaît une des batailles les plus sanglantes de la Grande Guerre. De cette boucherie (150 000 morts en 48 heures) naissent les mutineries de 1917 et aussi la célèbre « Chanson de Craonne », composée par un anonyme lors du désastre.

Recueillie par Paul Vaillant-Couturier, futur rédacteur en chef de « l'Humanité », véritable chanson révolutionnaire aux paroles humanistes, elle rencontre un tel succès chez les soldats et les pacifistes que le haut commandement, incarné par le général Pétain, l'interdit...

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