LES DEUX CHIENS


DANS une vaste plaine, auprès d'un clair ruisseau,
             Paissait un modeste troupeau :
Le pasteur fatigué, couché dans la bruyère,
      Dans le sommeil reposait sa paupière,
             Il dormait, et ses deux chiens,
             Des brebis restés gardiens,
Sans trop savoir pourquoi, tout à coup se disputèrent,
             S'injurient et se culbutent.
             Pendant ce combat, le troupeau
Erre sans défenseur par tout le pâturage ;
             Deux loups descendus d'un coteau
             En font un terrible carnage,
Etranglent le berger, pendant que furieux
             Les deux chiens se battent entre eux,
      Jusqu'à ce que des loups la dent cruelle
             Mit fin à la querelle.
             Mortels, sachez vous unir :
De la discussion le dangereux plaisir
             Augmente encor votre faiblesse,
             Puis l'ennemi commun vous presse.
Harassés, fatigués par de si longs combats,
             Vous ne trouvez que le trépas.