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LE DERVICHE


O tan hnai peprwmnox,

Eix ton ouranon grammenoV,

Tou anqrwpou o camoV, 

O ti  xamh, apoqnhsxei.

Ton xrhmnon pantou eurioxei.

Kai o qanatoV autoV     

Sto xpeooati tou ton jqanei,

Wsan bdella ton buzanei,

Kai ton qaptei monacoV.

PANAGO  SOUTZO.

Quand la perte d'un mortel est écrite dans le livre fatal de la destinée, quoi qu’il fasse il n’échappera  jamais  à  son funeste avenir  ; la mort le poursuit partout ; elle  le  sur-prend  même dans son lit, suce de  ses  lèvres  avides  son  sang, et l’emporte sur ses épaules.


UN jour Ali passait : les têtes les plus hautes 

Se courbaient au niveau des pieds de ses arnautes ;

              Tout le peuple disait : Allah !

Un derviche soudain, cassé par l’âge aride,

Fendit la foule, prit son cheval par la bride,

   Et voici comment il lui parla :


«  Ali-Tépéléni, lumière des lumières,

Qui sièges au divan sur les marches premières,

   Dont le grand nom toujours grandit,

Écoute –moi, vizir de ces guerriers sans nombre,

Ombre du pasdischah qui de Dieu même est l’ombre,

   Tu n’es qu’un chien et un maudit !


«  Un flambeau du sépulcre à ton insu t’éclaire.

Comme un vase trop plein tu répands ta colère

   Sur tout un peuple frémissant ;

Tu brilles sur leurs fronts comme une faulx dans l’herbe,

Et tu fais un ciment à ton palais superbe

   De leurs os broyés dans leur sang.


«  Mais ton jour vient. Il faut, dans Janina qui tombe,

Que sous tes pas enfin croule et s’ouvre la tombe ;

              Dieu te garde un carcan de fer

Sous l’arbre du segjin chargé d’âmes impies

Qui sur ses rameaux noirs frissonnent accroupies,

              Dans la nuit du septième enfer !


Ton âme fuira nue ; au livre de tes crimes

Un démon te lira les noms de tes victimes ;

              Tu les verras autour de toi,

Ces spectres, teints du sang qui n’est plus dans leurs veines,

Se presser, plus nombreux que les paroles vaines

              Que balbutiera ton effroi !


«  Ceci t’arrivera, sans que ta forteresse

Ou ta flotte te puisse aider dans ta détresse

              De sa rame ou de son canon ;

Quand même Ali-Pacha, comme le juif immonde,

Pour tromper l’ange noir qui l’attend hors du monde,

              En mourant changerait de nom ! »


Ali sous sa pelisse avait un cimeterre,

Un trombon tout chargé, s’ouvrant comme un cratère,

              Trois longs pistolets, un poignard ;

Il écouta le prêtre et lui laissa tout dire,

Pencha son front rêveur, puis avec un sourire

              Donna sa pelisse au vieillard.


22 octobre 1828.

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Victor HUGO

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