LA BURQA DU PATRONAT
Usines aux petits matins tristes et froids
Ses grilles grinçantes vous engloutissaient.
Sur votre bicyclette, en bleu de chauffe,
La casquette de côté, gavroches apprivoisés,
Sous le hurlement des sirènes, regagnaient les ateliers.
Dans le ciel gris, la haute cheminée crachait
La loi du patronat.
Amoureux de votre usine, vous la maudissiez souvent
Preniez soin de vos machines, de vos outils tout le temps.
Du poing levé au meneur debout sur l’établi
Les ouvriers, d’un seul homme, cessaient le travail
Camarades ! Il hurlait debout sur l’établi
Et dans l’usine où les machines s’étaient tues
Résonnait le ton puissant de l’Internationale.
Aujourd’hui, dans sa cour les pissenlits fleurissent
Vitres éclatées, murs bariolés, tout est sinistre.
Elle accueille des caméras et des équipes de cinéma
L’histoire terrible d’un môme paumé, de cité
Venu finir ici, abandonné, comme toi, l’Usine.
Tu n’es plus qu’une pierre tombale le long du canal.
Usine de leurs père et grands-pères, crevés dans tes viscères
Tes bleus de chauffe sont collector, bradés chez les fripiers
Ton drapeau rouge triomphant les jours de grève
A rétréci, chiffon rouge noué au cœur des ouvriers.
Ton poing serré se débat sous la burqa du patronat
Moignon dans le voile noir des rescapés d’un monde englouti.
À moins qu’au matin où renaît le printemps, arrachant sa burqa
La classe ouvrière ne reparte en guerre
Celle de leurs pères et grands-pères
Et ne ressuscite le Front Populaire.
C’est la lutte finale ….
Chantal T.