CET AMOUR DES HAUTEURS
Cet amour des hauteurs où on respire mal
d'abord
et puis si bien que les poumons fleurissent
et où on mâche avec un mufle d'animal
l'edelweiss alpicole au bord des précipices
Enfin ce désir pur d'être jusques à l'os
aéré, nettoyé de soleils et de glaces
a fait mon cœur ami du tien, Roland Garros
Et, Stravinsky, du tien où j'ai ma bonne place.
Garros j'ai survolé nos plaines avec toi
Mugissant au-dessus et au-dessous des plaines
Et nous vîmes du fond d'océans clairs
les toits
monter
grossir
poissons muets gobeurs de nuées
Et nous Igor ce fut à Leysin notre ciel
mieux que Triebschen
(plus net, plus dense, plus farouche)
mes pieds faisaient le bruit dans la neige et le gel
du sucre qu'un cheval écrase dans sa bouche
J'enlevais mes snow-boots, mon manteau, mon calot
je corrigeais la fin du Potomak
ta femme faisait la cure
et tu désenroulais la gamme chinoise
ô rossignol
de Tsarskoïé-Solo.
Depuis la guerre a désuni nos solitudes
Nous nous écrivons peu, Garros est prisonnier…
Mais rien d'en bas peut-il maintenant
M'éloigner là-haut
De vous
Mes chers compagnons d'altitude ?