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ROMANCE DU TEMPS QU'IL FAIT



Jeunes raisons vieilles folies

Où vont les spectres des monarques

Et les modernes Ophélies

Notre monde atroce démarque

Le royaume de Danemark


Homme il est pourri ton royaume

Hélas hélas pauvre Yorick

Pauvre Pierre ou pauvre Guillaume

Morts de vos rêves chimériques

Sans avoir trouvé l’Amérique


Le Roi n’a pas voulu la guerre

Il préfère les tragédies

La Cour avait reçu naguère

Le calculateur Inaudi

La reine n’a pas applaudi


Son Excellence au cimetière

Quel ministre a le cœur troué

Polonius sous la portière

Crève au mur comme un rat cloué

Hamlet par Dieu c’est bien joué


Toujours prêts à remplir vos poches

Vous ressemblez à trop de gens

Rosenkrantz Guldenstram fantoches

Vous qui tuez pour de l’argent

Celui qui vous fut indulgent


Mais le maréchal-des-logis

À qui je montre ces versets

Se perd dans mes analogies

Veut à tout prix savoir qui c’est

Et moi je lui réponds Qui sait


Je tiens la clef de ces parades

Ça me plaît de dire Moi je

Le mystère en prend pour son grade

Tant pis s’il vous est outrageux

Je garde le secret du jeu


Sais-je qui je suis qui vous êtes

Ô cavaliers sans chevaux car

Quand vous cherchez dans vos musettes

Votre gamelle ou votre quart

Vous rêvez bal java bocard


On rêve comme vous mon Prince

On peut bien s’en payer un grain

Être ou ne pas être Eh bien mince

On battra la campagne un brin

Dans nos voitures tout terrain


Les femmes que nous intriguons

Cherchent à lire nos emblèmes

Les sphinx ça connaît les dragons

Et d’idéales DLM

Se battent contre leurs problèmes


Fumer danser boire et manger

Et quand Mai vient le cœur soupire

Le cœur humain n’a pas changé

Il est aussi fou sinon pire

Qu’il était aux jours de Shakespeare


Sur le petit et le grand Belt

La mort passe avec ses amants

Celle que j’aime est la plus belle

Tais-toi jeune étourdi ou mens

L’heure n’est plus aux longs serments


La liberté nous abandonne

Ça fait une grande clameur

Elle a pris de la belladone

Dans Elseneur elle se meurt

Mon amour  pas un mot Demeure


Black out Terre et ciel sans phares

Elle dit N’ouvre plus tes bras

Et lui reste sourd aux fanfares

Dont la nuit pourtant se timbra

Ô trompettes de Fortinbras



  

Louis ARAGON

LE CRÈVE-CŒUR

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