PRÉLUDE AU TEMPS DES CERISES
I
Le long des Rivieras hortensiées
rôde le spectre aux mains très blanches
aux ongles soigneusement manucurés
Décor décor toi qui enchantes
Rien ni fumée azur ni boue
ne trouble le conte de fées
Tout sur mesure jusqu’au ciel et l’essence
rare des arbres fait rêver les villas arabes
l’univers a l’air d’un briquet
Dunhill
Incrustations
Voici le paradis sur terre
Nulle ombre aux pieds du mannequin qui tourne
Le soleil est bien élevé
Mesdames Messieurs l’idéal
Entrée interdite aux ouvriers
Sage précaution qui s’élève des siècles passés
avec la douce gravité protectrice et réfléchie
de ceux qui tiennent du firmament
la roulette
L’idéal Messieurs et Mesdames
L’idéal Monaco de toute philosophie
Abstraites régions de lumière ultraviolette
Le goût se pavane avec son triple menton de porc
sur le gravier égal des promenades
Un peigne d’or à ces cheveux du sud enlève
jusqu’au souvenir lointain des violences
L’idéal Armide
L’idéal Armoire
L’idéal Armure L’idéal
Murmure L’idéal tout armé
sort de la tête du dieu sans mémoire
Mesdames et Messieurs La valse
a trois temps
l’argent l’oubli l’art
le triple menton
l’art l’argent l’oubli
l’oubli l’art et l’art
Mesdames Messieurs
l’art le sport les cieux
Musique
Ceux qui voudraient détruire
qui rêveraient dans leurs insanes et sacrilèges rêveries
détruire détruire ceci disperser
l’ordonnance de ces lumineux rivages
ceux qui voudraient chasser de ces bords sans blasphème
les grosses dames et les pensifs adolescents
mais qu’on les supprime
ces pouilleux ces matérialistes
insensibles à ce qui est éther éternel et beauté
II
Il n’y a pas d’idéal abstrait
L’hortensia Madame est un chou teint
Vous êtes laides
Vous êtes tous très laids Les péristyles
de vos ridicules palais ne valent pas
qu’on meure de faim pour en contempler les colonnes
Vos tableaux vivants soulèvent le cœur
par leur bêtise atroce et la bassesse incroyable de vos désirs
Ta gueule ô Lakmé
Vous êtes la honte des miroirs
et le taffetas de vos dominos volés cache mal
la pourriture de vos corps qui croyez-moi ne ressusciteront
pas d’entre les morts
Futur engrais d’une moisson qu’aucun de vous n’imagine
Oh je sens déjà le charnier des rues où se décompose
votre défroque bien soignée un soir d’octobre
il me plaît que ce soit encore un octobre
marqué du sceau de la mort violente
qui ne respecte rien pas plus que le loup la louve
ni les louveteaux
Les petits enfants des riches
font très joli dans le tableau
Il faut bien qu’au pied des vainqueurs
on jette des roses coupées
Parfois je me complais à la convention poétique
Il y a dans le soleil du devenir
plus de beauté pour les jours de poudre et de tempête
quand le Prolétariat armé
et organisé
balaye d’un grand geste sanglant vos folies dramatiques
Bourgeois
que dans le décor de théâtre où s’inscrit la pensée
de vos bergsons dans la perspective des casinos
Il y a plus de beauté dans le spectacles de vos demeures
détruites
que dans le spectacle de vos gymkhanas en août
Il y a plus de beauté dans le spectacle de vos demeures
détruites
que dans celui de vos demeures debout
Vos batailles de fleurs préludent à une revanche du printemps
qui n’est pas celle que vous croyez
Présidentes d’Œuvres sociales Ordures parfumées
Ce printemps
il me plaît je le répète que ce soit
un octobre et la rafale rouge
des feuilles fera qu’à peine on remarque le sang
Il y a plus de beauté dans votre agonie au carrefour
que dans votre vie au vent des plages Il y a plus
de beauté dans la hotte qui se pose en passant
sur le délié de vos narines
que dans vos narines habituées au bonheur Il y a plus
de beauté dans la matière que dans
l’idéal défendu par des tanks qui gardent
l’hortensia Monte-Carlo où Lakmé
Ô clochettes
dépense sans compter les fleurs céruléennes de l’idéal
III
Il s’agit de préparer le procès du monstre
D’un monde monstrueux
Aiguisez demain sur la pierre
Préparez les conseils d’ouvriers et soldats
Constituez le tribunal révolutionnaire
J’appelle la Terreur du fond de mes poumons
Pas un cri pas un mot de ces animaux supérieurs
qui ne fument que le Nil
et ne boivent que l’or
ne doit être oublié de ceux qui guettent la défaillance
du pachyderme roi du monde
Notez bien tout
La lettre de Monseigneur Verdier pour les funérailles
Des soudards Le Brix et Mesmin par exemple
a son importance
Une grimace de pitre un essai de Paul Valéry
une fête de charité de l’Intransigeant
un geste de passante
n’oubliez rien camarade n’oubliez rien
Si quand les feuilles d’Octobre seront tombées
sur l’Occident vous alliez oublier vraiment
l’histoire
et l’épouvantable mascarade d’aujourd’hui
Si vous alliez
oublier camarades
Alors que la vermine dans ses oripeaux se relève
Vous verrez que jusqu’aux enfants épargnés
jusqu’aux innocentes putains
l’idéal aura pris la forme d’un poignard
N’oubliez rien n’oubliez rien
Dès maintenant ce qu’il vous faut à vous
l’ombre
à vous les témoins du repas
les serviteurs d’ombre du repas
c’est un livre où marquer vos comptes
Je chante le Guépéou qui se forme
en France à l’heure qu’il est
Je chante le Guépéou nécessaire de France
Je chante les Guépéous de nulle part et de partout
Je demande un Guépéou pour préparer la fin d’un monde
Demandez un Guépéou pour préparer la fin d’un monde
pour défendre ceux qui sont trahis
pour défendre ceux qui sont toujours trahis
Demandez un Guépéou vous qu’on plie et vous qu’on tue
Demandez un Guépéou
Il vous faut un Guépéou
Vive le Guépéou figure dialectique de l’héroïsme
qu’on veut opposer à cette image imbécile des aviateurs
tenus par les imbéciles pour des héros quand ils se foutent
la gueule par terre
Vive le Guépéou véritable image de la grandeur matérialiste
Vive le Guépéou contre dieu chiappe et la Marseillaise
Vive le Guépéou contre le pape et les poux
Vive le Guépéou contre la résignation des banques
Vive le Guépéou contre les manœuvres de l’Est
Vive le Guépéou contre la famille
Vive le Guépéou contre les lois scélérates
Vive le Guépéou contre le socialisme des assassins du type
Caballero Boncour Mac Donald Zœrgibel
Vive le Guépéou contre tous les ennemis du Prolétariat
VIVE LE GUÉPÉOU